Un psychologue clinicien français résidant dans un pays européen souhaite exercer une activité en direction d’usagers français par le biais d’Internet : « via e-mail, téléphone, chat, webcam et tout autre moyen télématique ». Il sollicite la commission afin qu’elle lui indique « les problèmes et recommandations éthiques et déontologiques mis en œuvre dans la pratique de la psychologie sur internet ».

Posté le 15-11-2011 16:03:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Psychologue (Secteur Libéral)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Cyberpsychologie

Questions déontologiques associées :

- Code de déontologie (Référence au Code dans l’exercice professionnel, le contrat de travail)
- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
- Mission (Distinction des missions)
- Respect de la personne
- Consentement éclairé
- Responsabilité professionnelle
- Compétence professionnelle (Formation (formation initiale, continue, spécialisation))
- Abus de pouvoir (Abus de position)
- Respect de la loi commune
- Confidentialité (Confidentialité de l’identité des consultants/ des personnes participant à une recherche)
- Transmission de données psychologiques (Données informatisées)
- Confraternité entre psychologues

La demande adressée à la Commission concerne une pratique encore peu répandue en France mais très développée depuis une dizaine d’années dans d’autres pays : la cyberpsychologie, terme qui recouvre différentes missions telles le conseil, le soutien ou la psychothérapie.  Le code de déontologie des psychologues français, adopté en 1996, depuis bientôt 15 ans, n’évoque pas ces nouvelles modalités d’exercice de la psychologie. Néanmoins, certains articles apportent un éclairage constructif, qui devrait permettre la pratique d'une cyberpsychologie rigoureuse et respectueuse des personnes.
Constatant que ces nouvelles modalités d’exercice ont un impact sur le cadre professionnel, les règles déontologiques et leur soubassement éthique, la commission traitera des points suivants :

  1. Pourquoi et en quoi la pratique de la cyberpsychologie fait-elle question?
  2. Modalités d’exercice de la psychologie dans un environnement géographique classique et dans le cyberespace,
  3. Eléments déontologiques indispensables à une pratique de la psychologie avec support technologique ou par Internet : invariants déontologiques, quelle que soit la pratique psychologique,
  4. Limites et intérêts de la cyberpsychologie,
  5. Recommandations pour des pratiques via Internet.

Pourquoi et en quoi la pratique de la cyberpsychologie fait-elle question?

La commission situera sa réflexion dans le cadre d'une activité professionnelle rémunérée. Le cœur de la problématique posée par l'exercice de la cyberpsychologie tient à l'aspect virtuel de la communication et à la distance consultant-psychologue, c'est-à-dire au changement radical du cadre professionnel et à ce qu'il implique pour les protagonistes.
Les repères habituels – consultation, entretien dans un lieu défini, en face à face, chacun pouvant appréhender l'autre dans sa dimension physique et donc incarnée au moyen de ses sens – sont modifiés, gommés, voire abolis par la cyberpsychologie. S'y substitue un mode d'échange par signaux interposés, ne traduisant qu'une partie de la réalité perceptive et aboutissant nécessairement à une perte d'identité, tant pour le psychologue que pour la personne qui le consulte. La communication s'instaure entre des représentants artificiellement construits des personnes, sorte d'avatars issus des représentations que chacun élabore de l'autre. Ces images peuvent certes s'enrichir et s'affiner au fil du temps mais resteront toujours marquées du manque d'une présence concrète à l'autre.
Dans un univers sociétal où nombre de personnes consultent précisément en raison d'une difficulté à communiquer et d'un besoin d'écoute attentive, la cyberpsychologie pourrait donc paradoxalement accroître un sentiment d'isolement, et, chez des personnes plus fragiles, participer à l'apparition de mécanismes pathogènes (clivage, dissociation…) ou les renforcer.
Elle implique par conséquent, encore davantage que d'autres approches, un contrôle particulièrement vigilant et soigneux du cadre d'exercice. Comme il le ferait pour une pratique traditionnelle en cabinet, le psychologue doit ainsi penser le cadre de son intervention et préparer attentivement chaque consultation.

Modalités d’exercice de la psychologie dans un environnement géographique classique et dans le cyberespace.

La pratique de la psychologie hors d'un cadre géographique conventionnel s'est surtout développée dans les pays anglo-saxons et notamment au Canada : c'est pourquoi ce domaine n’est pas encore beaucoup traité par la presse et la littérature francophone, même si quelques psychologues commencent à s'en saisir, notamment dans les grandes villes européennes.
Des associations de psychologues de langue anglaise distinguent trois niveaux possibles d’exercice de la psychologie :

  1. En direct ou en "face à face" selon la terminologie anglo-saxonne, client et psychologue étant dans le même lieu,
  2. A distance,  avec support technologique audio de type téléphone,
  3. A distance, par Internet au moyen d'email, chat, webcam.

Pour chaque modalité, le nombre de participants ainsi que la rapidité de la communication sont d'autres données qui complexifient cette taxonomie ; sont en effet différenciées les consultations individuelles, de couple et de groupe, et les communications synchrones et asynchrones (un temps de transmission est parfois nécessaire à l'acheminement du signal et la réponse à celui-ci est décalée).
Dans son courrier, le psychologue demandeur envisage l’utilisation des quatre média mentionnés, qu’il convient de bien distinguer compte tenu de leur spécificité : le téléphone, les courriels (emails), la messagerie instantanée (chat) et enfin la cybercaméra (webcam). La commission préconise à ce propos l'utilisation d'équivalents francophones des termes employés par le demandeur et recommandés par la Délégation Générale à la Langue Française et aux Langues de France. Outre le code de déontologie français de 1996, fil conducteur de la réflexion dans cet avis, elle invite les psychologues intéressés par ce champ à consulter le référentiel publié en anglais en 2006 par la FEAP (Fédération Européenne des Associations de Psychologues) concernant la proposition de services psychologiques par Internet ou avec support technologique (Annexe 1).

Les éléments déontologiques indispensables à une pratique de la psychologie avec support technologique ou par Internet : invariants déontologiques, quelle que soit la pratique psychologique.

Comme indiqué préalablement, le code de déontologie de 1996 n’aborde pas les aspects déontologiques d’une pratique de la psychologie en dehors du cadre classique et encore prévalent du bureau, cabinet de consultation, lieu de soin…, où se rencontrent, "en personne" et en temps réel, client et psychologue. Un code de déontologie a vocation à poser des règles déontologiques au caractère le plus atemporel possible, qui ne se périment pas et sont utiles pour la pratique actuelle d'une discipline, ici la psychologie. Comme le précise le Préambule du code, il est avant tout :
[…] destiné à servir de règle professionnelle aux hommes et aux femmes qui ont le titre de psychologue, quels que soient leur mode d'exercice et leur cadre professionnel, y compris leurs activités d'enseignement et recherche.
Toute modalité d'exercice de la psychologie, quelque soit sa spécificité, renvoie par ailleurs à la mission fondamentale du psychologue :
Article 3 : La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus, considérés isolément ou collectivement.
L'utilisation de la cyberpsychologie est également à réfléchir dans le cadre de missions plus spécifiques, habituellement assurées par le psychologue. Conciliable avec certaines d'entre-elles, telles le conseil, le soutien psychologique, la commission l'estime plus discutable pour remplir d'autres missions comme la psychothérapie par exemple.
Article 4 : Le psychologue […] peut remplir différentes missions, qu'il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l'enseignement de la psychologie, l'évaluation, l'expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, etc. Ces missions peuvent s'exercer dans divers secteurs professionnels.
D'autre part, les développements et progrès constants dans le champ de la cyberpsychologie doivent rester en accord avec les grands principes énoncés par le code de déontologie et la Charte européenne des psychologues.
La pratique de la cyberpsychologie exige ainsi de porter une attention toute particulière au respect des droits de la personne et à la préservation du secret professionnel.
Titre I-1 Respect des droits de la personne : Le psychologue  réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationales, européennes et internationales sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il n'intervient qu'avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Réciproquement, toute personne doit pouvoir s'adresser directement et librement à un psychologue. Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel, y compris entre collègues. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même.
En France, la mise en place récente de services psychologiques par Internet a réactivé la question d’interventions « médiatisées » au sens propre, comme ce fut le cas dès les années 70 avec l’apparition de services de soutien téléphonique pouvant être assurés par des psychologues. Ce mode d'écoute et consultation, dont les limites techniques et déontologiques sont encore difficiles à cerner, est en voie de réglementation. Il renvoie à l'incontournable principe de responsabilité, le psychologue devant toujours répondre de ses options méthodologiques, interventions professionnelles, et de leur impact sur les personnes qui le consultent : au téléphone, par le biais d'un message électronique avec tout ce que cela suppose de soin apporté à sa rédaction et de risque d'interprétation de termes ou formulations, d'un écran qui permet de visualiser "une image" filmée du consultant et de l'entendre…
Titre I-3 Responsabilité : Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s'attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l'application des méthodes et techniques psychologiques qu'il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.

Deux autres principes fondamentaux, la compétence et la probité, ont vocation à guider un exercice éclairé de la cyberpsychologie. C'est en effet sur la base d'une certaine expertise et d'une mise à jour régulière de ses connaissances et habiletés techniques, que le psychologue va pouvoir être efficace, répondre au mieux à la demande de son client et définir ses propres limites.  Dans un contexte en pleine expansion, mal défini, où de multiples acteurs sont appelés à intervenir sur la toile, à proposer leurs services sans toujours apporter les garanties de leur formation et de leur titre et à solliciter une rétribution parfois conséquente "en ligne", la probité et la rigueur sont également requises.

Titre I-2 Compétence : Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d'une formation continue et d'une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d'autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expérience. Il refuse toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises.
Titre I-4 Probité : Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations professionnelles. Ce devoir fonde l'observance des règles déontologiques et son effort continu pour affiner ses interventions, préciser ses méthodes et définir ses buts.

Limites et intérêts de la cyberpsychologie.

Limites et problèmes

L'exercice de la cyberpsychologie est circonscrit par un certain nombre de limites, déjà évoquées dans le premier point : d'une part, toute utilisation d’un nouveau média vient modifier la pratique habituelle du psychologue et l’oblige à instaurer des règles pour conserver le caractère professionnel de son intervention, d'autre part le caractère virtuel de la communication apparaît comme un facteur pouvant engendrer une perte de contrôle du cadre. Enfin, ces nouvelles pratiques font émerger une difficulté notable à garantir la confidentialité dans le cyberespace.
Parmi les problèmes susceptibles d'apparaître au décours de consultations par Internet, relevons aussi le risque de distorsion de la communication, de  perception tronquée par le clinicien, de fragilité de la relation clinique/ thérapeutique ou encore de non préservation de l'anonymat.
La distorsion ou perception erronée d'un message est un risque inhérent à tout mode de communication, mais encore davantage via un canal complexe, qui peut modifier plus ou moins l'information ou n'en transmettre qu'une partie.  Une consultation par téléphone, utilisant le support de la voix (pouvant exprimer toute une gamme d'émotions) n'apportera pas les mêmes éléments qu'un échange plus impersonnel par courriel ou encore par cybercaméra avec réception parfois asynchrone d'un film de la personne et de ses propos.
Dans ce dernier cas, l'écran présente généralement le visage et le haut du corps du consultant,  mais aussi un arrière plan qui peut informer sur le lieu où il se trouve et constituer une forme de dévoilement d'un espace intime.
Une image peut également faire l'objet d'une mise en scène, être modifiée en sorte qu'elle ne corresponde pas à la réalité. Ces risques font écho à un passage de l'article 9 qui sera repris ultérieurement et à l'article 19.
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.
La fragilité de la relation ainsi établie peut se concevoir comme un effet du mode de communication et de son caractère virtuel. Le psychologue a en effet moins de latitude qu'en face à face pour apprécier les difficultés et cerner la demande du client (sauf utilisation de caméra, il ne peut observer de symptômes à expression physique, de comportements, de langage non verbal…), il peut donc "passer à coté". Il peut également, du fait de sa position asymétrique, exercer une certaine influence sur le client, à travers ses conseils et interprétations, qui ne pourront toujours être réajustés rapidement. Les articles 11 et 19  (ci-dessus) apportent quelque éclairage sur ces points :
Article 11 : Le psychologue n'use pas de sa position à des fins personnelles, de prosélytisme ou d'aliénation d'autrui. Il ne répond pas à la demande d'un tiers qui recherche un avantage illicite ou immoral, ou qui fait acte d'autorité abusive dans le recours à ses services. Le psychologue n'engage pas d'évaluation ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il serait déjà personnellement lié.
L'absence de garantie concernant l'anonymat, essentiellement via internet, est un autre écueil qui devrait être évité par une gestion rigoureuse d'une boite de messagerie cryptée et des adresses des correspondants. Notons toutefois que tout écrit est susceptible de faire trace, et comporte donc une part de risque de diffusion, de même qu'en tant que trace écrite, il est opposable au niveau juridique et engage la responsabilité du psychologue.
Article 14 : Les documents émanant d'un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l'identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire. […] il fait respecter la confidentialité de son courrier.

Intérêts et bénéfices

L'intérêt de consultations via internet ou par téléphone apparaît patent lorsqu'il concerne des personnes se situant à une grande distance géographique d'un lieu de consultation et qui ne disposent pas de moyens de déplacement. D'autres personnes sont par ailleurs empêchées physiquement de se déplacer, en raison d'une maladie, d'un handicap physique ou psychologique, de leur grand âge, etc. Pour ces dernières, la possibilité de disposer d'une écoute, d'un avis même à distance peut être précieuse.
Notons cependant qu'un certain nombre de psychologues propose maintenant de se déplacer à domicile, offrant ainsi la possibilité d'une consultation directe.
Enfin, des consultants ont simplement une demande de soutien ou d'éclairage ponctuels et la cyberpsychologie peut leur apporter une réponse satisfaisante.

Recommandations pour une pratique psychologique via Internet.

La pratique de la psychologie par le biais des nouvelles techniques propres au cyberespace offre dès maintenant de multiples et riches possibilités. Elle soulève cependant, dans le même temps, la délicate question éthique de l'écart entre exigences déontologiques et avancées technologiques, que l'on peut craindre croissant si des gardes fous et repères ne sont pas proposés aux utilisateurs. La commission pense donc utile de proposer quelques recommandations à même de mettre au travail une "réflexion déontologique", essentielle à l'engagement dans ces nouvelles pratiques.
Ces recommandations ont pour préalable une maîtrise minimale de l’outil technologique, pour mieux s’en dégager au profit d’enjeux plus fondamentaux. La commission conseille d'acquérir une compétence informatique suffisante pour être à l'aise avec un ordinateur, avoir la garantie d'une communication de qualité et pouvoir se consacrer à son activité professionnelle. Le psychologue pourra ainsi plus facilement mettre à disposition ses compétences d'écoute et d'analyse des problématiques. L'article 7 évoque cette question de la maîtrise technique :
Article 7 : Le psychologue accepte les missions qu'il estime compatibles avec ses compétences, sa technique, ses fonctions, et qui ne contreviennent ni aux dispositions du présent Code, ni aux dispositions légales en vigueur.
En premier lieu, il apparaît essentiel à la Commission, que le psychologue proposant des services par le biais d’Internet s’assure de la compréhension du patient et recueille son consentement, tel que le propose l’article 9 du code :
Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement de ceux qui le consultent […]. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention. Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées, mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu examiner lui-même. […]
L'on mesure bien dans ce cas toute la difficulté pour le psychologue d'évaluer la compréhension du client autrement que par un feed-back réitéré ; il en est de même pour l'obtention d'un consentement à distance. La commission suggère à cet égard au psychologue de communiquer une charte professionnelle et, sous forme contractuelle, un document explicatif et récapitulatif des prestations proposées. Il doit ensuite demander au client de confirmer qu'il a bien saisi les conditions du processus d'intervention et de valider les modalités proposées.
L'article 9 soulève aussi la question de "l'examen des personnes ou situations", indispensable à toute évaluation, or peut-on considérer qu'un examen à distance, par voie écrite, téléphonique ou même par caméra couplée à un échange verbal a la même valeur et objectivité qu'une évaluation directe, en présence du consultant ?
Un autre problème sensible est celui des demandes émanant de personnes mineures. Comment s'assurer de l'âge d'un patient ?
La commission estime important que le psychologue pose le recueil de cette information comme préalable à son intervention et si le client est mineur, soit fasse preuve d'une grande prudence, soit décide de ne pas le prendre en charge en l'indiquant sur son site et en préambule de chaque consultation. L'article 10 traite de ce point, stipulant que le psychologue peut "recevoir des mineurs". Or le cyber-psychologue ne "reçoit" pas son client, d'où sa difficulté pour effectuer une évaluation objective et rigoureuse de la demande.
Article 10 - Le psychologue peut recevoir, à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi. Son intervention auprès d'eux tient compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales en vigueur. […]
Dans le cadre d'une pratique psychologique ne pouvant s’appuyer sur une rencontre physique dans le même espace géographique, il convient par ailleurs que le psychologue puisse garantir à l’usager une connexion sécurisée, quel que soit le lieu où l'on se trouve. Ici, elle correspond aux endroits où le psychologue utilise les moyens nécessaires à sa pratique (ordinateur personnel, connexion Internet de haut débit et sécurisée) afin de garantir la plus grande transparence dans un mode de fonctionnement mais aussi de rétribution. Ces exigences sont présentes dans le code de déontologie  et s'appliquent également au cadre de la cyberpsychologie :
Article 15 : Le psychologue dispose sur le lieu de son exercice professionnel d'une installation convenable, de locaux adéquats pour permettre le respect du secret professionnel, et de moyens techniques suffisants en rapport avec la nature de ses actes professionnels et des personnes qui le consultent.
Au-delà des techniques psychologiques utilisées par le psychologue, ce dernier doit aussi réfléchir sur leur pertinence et limites dans le contexte cyberpsychologique :
Article 17 : La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques qu'il met en oeuvre. Elle est indissociable d'une appréciation critique et d'une mise en perspective théorique de ces techniques.
Dans le cadre de la réglementation en vigueur en matière de données informatiques, le psychologue qui exerce par l'intermédiaire d’un support technologique ou par Internet doit permettre à l’usager d’accéder à la pleine compréhension des règles de recueil, traitement et d’archivage des données le concernant.  Il lui incombe aussi de mettre en place un système de rémunération de ses interventions, sécurisé et conforme aux standards utilisés dans les transactions en ligne.
Il existe ainsi un système sécurisé et éprouvé très utilisé sur Internet qui permet de payer sans communiquer d'informations financières puisqu’il crypte automatiquement les données. Ce système est l'un des éléments permettant de concilier l’exercice psychologique sur Internet avec les  dispositions mises en place dans le cadre de la loi de 1978 et rappelées dans l’article 20 :
Article 20 : Le psychologue connaît les dispositions légales et réglementaires issues de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. En conséquence, il recueille, traite, classe, archive et conserve les informations et données afférentes à son activité selon les dispositions en vigueur. Lorsque ces données sont utilisées à des fins d'enseignement, de recherche, de publication, ou de communication, elles sont impérativement traitées dans le respect absolu de l'anonymat, par la suppression de tout élément permettant l'identification directe ou indirecte des personnes concernées, ceci toujours en conformité avec les dispositions légales concernant les informations nominatives.
Enfin la commission conseille vivement à tout psychologue travaillant avec ce type de technologie de bénéficier d'un espace de supervision et /ou d'un espace d'échange professionnel avec des pairs. Les articles 13 et 21 traitent de cette question du partage d'informations et conseils avec des pairs.

Article 13 : […] Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés.
Article 21 : Le psychologue soutient ses collègues dans l'exercice de leur profession et dans l'application et la défense du présent Code. Il répond favorablement à leurs demandes de conseil et les aide dans les situations difficiles, notamment en contribuant à la résolution des problèmes déontologiques.

La commission a été sensible au caractère général de la demande, le psychologue évoquant l’utilisation possible de tous les médias existant actuellement en matière de cyberpsychologie. Si le code de déontologie des psychologues peut activement contribuer à  la réflexion sur les nouvelles formes de pratique de la psychologie, il n'est pas encore en mesure d'éclairer finement la spécificité de ces nouveaux média, leurs différences et les enjeux relationnels qu’ils sous-tendent. A titre d'exemple, l’utilisation d’une cybercaméra réintroduit dans la relation psychologue-usager, la dimension visuelle et verbale qui se trouve évacuée dans le cas de la messagerie instantanée ou des courriels. C'est donc par un long processus d'élaboration professionnelle et de réflexion éthique qu'un référentiel solide pourra progressivement se construire.

La communauté professionnelle ne peut désormais être indifférente aux changements qui étendent le champ connu de la pratique psychologique au cyberespace et aux multiples possibilités qu'il ouvre et découvre. Une révision du code prendra vraisemblablement en compte ces importantes mutations. Dans l’attente de modifications, le code de déontologie sous sa forme actuelle peut et doit rester le socle sur lequel s’étayent et se développent les nouvelles pratiques.

Avis rendu le 23 Juin 2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Préambule du code, Titres I-1, I-2, I-3, I-4 ; Articles 3, 4, 7, 9, 10, 11, 13, 14, 15, 17, 19, 20, 21.

 

Annexe :

Mots clés permettant d'accéder sur Internet aux référentiels concernant les services psychologiques par Internet (documents en format PDF et en anglais) :

  1. EFPPA, The provision of psychological services via the Internet,
  2. NBCC, The practice of Internet counseling.

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Avis 10-05.doc

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