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  • RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

Le demandeur sollicite la Commission au sujet d’une attestation rédigée par une psychologue à l’issue d’une consultation à laquelle il s’est rendu avec son ex-conjointe, pour leur fils âgé de quatre ans. Cet écrit a été produit par la mère dans le cadre d’une procédure d’appel. Le demandeur conteste son contenu.

Il précise que la résidence de son fils et de sa fille a été fixé chez lui, « par voie judiciaire », un an après sa séparation d’avec la mère. Cette dernière réside désormais à une heure de route du domicile du demandeur, avec un nouveau compagnon, lui-même divorcé et père de deux garçons. Le demandeur souligne que ce rendez-vous chez la psychologue a été initié par la mère. Le motif de la consultation était des crises de colère de leur fils chez elle et des relations conflictuelles entre les deux fratries pendant les périodes d’hébergement communes.

Le demandeur décrit avec précision le déroulement de cette « seule et unique » consultation et s’étonne des préconisations qui leur ont été faites concernant la nécessité d’un « suivi thérapeutique » pour leur fils alors que la psychologue a dit qu‘il « allait bien ». Ce père précise avoir alors suggéré de prendre contact avec un autre psychologue, plus proche de son domicile. Un mois après, il prend rendez-vous avec ses deux enfants et leur mère chez un pédopsychiatre déjà consulté par la famille un an auparavant. Celui-ci ne repère toujours aucune souffrance chez eux. Le demandeur ajoute que, par la suite et en accord avec son ex-conjointe, son fils a été suivi en psychothérapie, pendant une dizaine de séances, par une nouvelle psychologue proche de chez lui et que désormais l’enfant « va bien ».

Le demandeur s’étonne que la première psychologue consultée ait remis une attestation à son ex-compagne sans l'en informer, sans son consentement, sans tenir compte de l'autorisation parentale conjointe et sans respecter le secret professionnel. Il se dit « extrêmement choqué » par le contenu de cet écrit, dans laquelle la psychologue atteste que son fils est « en grande détresse ». Il se demande aussi si, dans ce cas, la psychologue n'aurait pas dû faire un signalement et s'il ne s'agit pas d'une « attestation de complaisance ». Il s'indigne aussi des répercussions de cet écrit, puisque le Juge aux Affaires Familiales a ordonné une expertise médico-psychologique.

Documents joints :

  • Copie d'une attestation rédigée par la première psychologue consultée qui exerce en libéral
  • Copie de différents courriels échangés entre les deux parents au sujet du choix de consulter un psychiatre ou un psychologue
Posté le 12-05-2019 15:00:01

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2017

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Responsabilité professionnelle
- Discernement
- Impartialité
- Respect du but assigné
- Secret professionnel (Obligation du respect du secret professionnel)

AVIS 

AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné.

Les avis sont rendus par l'ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.

 

La Commission se propose de traiter des points suivants :

  • Conditions d’exercice du psychologue recevant des mineurs dans le contexte d’une séparation parentale
  • Transmission d’avis psychologique à des tiers dans un contexte judiciaire
  1. Conditions d’exercice du psychologue amené à recevoir des mineurs dans le contexte d’une séparation parentale

Au-delà des compétences spécifiques liées à cet exercice, la prise en charge de mineurs requiert de la part du psychologue l’observance d’un certain nombre de règles déontologiques énoncées en particulier dans l’article 11 du code de déontologie :

Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux. »

Le psychologue qui reçoit un enfant dans un contexte de séparation parentale doit être particulièrement vigilant quant aux demandes qui lui sont adressées. L'analyse de la situation familiale dans laquelle se trouve l'enfant est nécessaire et suppose de sa part rigueur et discernement comme indiqué dans le Principe 2 du Code. Le psychologue doit être également attentif à la façon dont l’enfant perçoit son intervention, surtout lorsque la relation entre les parents est conflictuelle.

Principe 2 : Compétence

« […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité ».

Dans la situation présente les deux parents semblaient en accord sur le principe d’une consultation auprès de spécialistes pour leur enfant puisqu'ils se sont rendus conjointement à différents rendez-vous. La discorde porte plus spécifiquement sur le choix du spécialiste.

Le demandeur porte un regard critique sur le déroulé de l’unique consultation. La Commission n’a cependant pas relevé de manquements déontologiques dans la description de ce premier entretien familial. La psychologue observe l’enfant à distance des propos tenus par les parents, ce qui est conforme à l’étude d’une demande parentale et relève de sa seule responsabilité et autonomie professionnelle comme le pose le Principe 3 du Code :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer.»

Selon les éléments décrits par le demandeur, la psychologue a présenté ses conclusions en fin de séance ce qui est conforme à l’article 16 du Code :

Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. »

Par la suite, elle n’a pas informé le père de la rédaction d’une attestation écrite pour « faire valoir ce que de droit » comme l’y aurait pourtant invité l’article 9 :

Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités, des limites de son intervention et des éventuels destinataires de ses conclusions ».

 

  1. Transmission d’avis psychologiques à des tiers dans un contexte judiciaire

Outre le devoir de confidentialité, le psychologue est tenu au respect du secret professionnel énoncé comme un impératif dans le Principe 1 du Code et précisé dans l’article 7 :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. […] Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même.

Article 7 : Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice.

 

En règle générale, dans le contenu d'une attestation, le psychologue est tenu de préserver la vie privée et l’intimité de chaque personne qui le consulte. Aucune dérogation ne peut se concevoir, même si c'est à la demande de l’intéressé s’il n’y a ni péril, ni obligation prévue par la Loi.

En acceptant de réaliser un écrit à la demande d’un parent, le psychologue engage sa responsabilité professionnelle. Il doit prendre en considération le devenir de cet écrit, comme cela est indiqué dans le Principe 6 du Code :

 

Principe 6 : Respect du but assigné

[…] En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers.

 

Il prend aussi en compte le fait que son écrit pourra être transmis à un tiers. Il veille donc à répondre à la demande en ne révélant que les éléments psychologiques strictement nécessaires, comme le rappelle l’article 17 du Code :

 

Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci.

Le psychologue doit donc faire preuve de discernement et de prudence lorsqu'il décide de rédiger un écrit. Dans un contexte conflictuel, il doit être particulièrement vigilant en traitant de façon équitable chaque partie afin de ne pas se faire instrumentaliser par l'un des protagonistes. Il se doit d'intervenir dans l'intérêt de l'enfant et prendre en compte les répercussions possibles sur l'ensemble des relations familiales.

Dans le cas présent, deux remarques s’imposent. Alors qu’elle n’a rencontré l’enfant qu’une seule fois en présence de ses parents la psychologue manque de prudence et de discernement quand elle écrit, sans l’argumenter, que le garçon est « en grande détresse ». La lecture de ces propos entraîne chez le demandeur une vive interrogation car pendant l’entretien il l’avait entendu énoncer que leur fils « allait bien ». Elle atteste ensuite que le père aurait refusé la préconisation d'un suivi thérapeutique pour son fils, ce qu’il conteste.

Enfin, la Commission s’est interrogée sur le motif réel de cette consultation initiale et sur ce qui a suscité la rédaction de l’attestation quinze jours après sans que le père en soit informé.

Pour la CNCDP

La Présidente

Mélanie GAUCHÉ

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Avis_17_23.pdf

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