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La requérante est une éducatrice qui travaille de longue date à la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse); depuis septembre 2001, elle est affectée dans un Centre de Placement immédiat (CPI). Dans sa lettre, elle informe la Commission « d’un conflit qui [ l ]’oppose au psychologue de [son] établissement »

Elle décrit « rapidement » le « contexte » dans lequel elle travaille : « Une équipe éducative livrée à elle même du fait du manque d’engagement des cadres »….. « Il n’y a aucune cohésion, ni cohérence d’équipe.. » De ce fait, après 3 mois de fonctionnement, l’établissement a fermé pendant plusieurs mois pour rouvrir en décembre 2002. En septembre 2002 le psychologue dont se plaint la requérante, titulaire à la PJJ, a été nommé au CPI. « A ce moment là, les relations entre les différents membres du personnel étaient, pour la plupart du temps, basées sur le mode de l’agressivité verbale. »

Six mois après sa nomination, lors d’une réunion d’équipe, « en présence de la directrice du CPI et du sous-directeur départemental, le psychologue a lu un écrit [la] concernant qu’il avait rédigé à l’avance et qui concluait à une pathologie mentale et démontrait, avec détails et apports théoriques qu’[elle] avait une personnalité perverse et qu’il n’y avait malheureusement plus rien à faire pour [ elle] !!] (sic) ».

Le psychologue aurait agi ainsi « parce qu’il la croyait l’auteur d’un texte le concernant » qui désapprouvait un point de sa pratique professionnelle. Selon la requérante, ce texte, « qu’elle n’a jamais écrit », aurait été élaboré par deux collègues éducateurs ; informé de « son erreur », le psychologue ne se serait pas excusé.

La requérante, qui se dit très « blessée » par l’intervention du psychologue, fait référence au Code de déontologie des psychologues et notamment à son préambule « Le respect de la personne humaine dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psychologues. »

Elle regrette que cette intervention se soit « déroulée devant [sa] hiérarchie, trop contente de [la] désigner comme le mauvais objet et la cause principale de tous les dysfonctionnements de l’institution. »

Suite à cet « événement grave », elle a demandé à rencontrer le Directeur Départemental, mais ce dernier n’a pas répondu à ses courriers. Elle a alors porté plainte contre le psychologue auprès du Procureur de la République « pour propos diffamatoires proférés en public. »

La requérante pose sept questions à la CNCDP :

Dans un premier temps :
• « Dans son intervention où est la déontologie de monsieur [X] ?
• Où est le respect de ma personne ?
• N’a-t-il pas failli sa mission ? »

Dans un second temps :
• Le psychologue ne doit-il pas aider les professionnels dans la résolution de crise institutionnelle ?
• Fait-il parti des cadres dirigeants ?
• Doit-il prendre parti ?
• Est-il habilité à poser publiquement des diagnostics sur ses collègues ? » .

Posté le 11-02-2011 14:33:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2003

Demandeur :
Professionnel Non Pyschologue (Professionnel des équipes institutionnelles)

Contexte :
Procédure judiciaire entre psycho et patient/ tiers/ professionnel non psy

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Courrier professionnel

Questions déontologiques associées :

- Respect de la personne
- Consentement éclairé
- Secret professionnel (Obligation du secret professionnel)
- Évaluation (Relativité des évaluations)
- Probité
- Responsabilité professionnelle

Il n’est pas du ressort de la Commission de répondre aux questions concernant l’organisation du service et la place du psychologue dans l’institution. Elle ne traitera donc que des points ayant trait à la déontologie des psychologues. Néanmoins, s’agissant des missions attribuées au psychologue, il est nécessaire que ces dernières soient bien différenciées afin d’éviter la confusion.

La Commission n’a pas d’autres documents que la lettre de la requérante et elle ne peut donc répondre qu’en se fondant sur les déclarations de celle-ci. Si le psychologue a effectivement porté un jugement public sur la personnalité de la requérante au cours d’une réunion d’équipe, il a enfreint le Code de déontologie des psychologues sur plusieurs points :

- Le respect de la personne
- La retenue et la modération dans les évaluations et les interprétations.
- Le devoir de probité
- Le devoir d’anticipation.
Le Code de déontologie des psychologues est explicite sur ces différents points :

- Le Titre I- 1 : Le respect des droits de la personne :
« Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées…..Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel, y compris entre collègues . Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que se soit sur lui même. »

En livrant un diagnostic public portant appréciation de la personnalité de requérante le psychologue a enfreint cet Article du Code.

- L’Article 19 : La retenue et la modération dans les évaluations et les interprétations :
« Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence. »

En l’occurrence ce psychologue a manqué de mesure et de discrétion et a pu compromettre fortement l’équilibre psychologique de la requérante; il aurait dû respecter le principe de prudence qui va de pair avec la responsabilité et qui doit prédominer.

- Le Titre I- 4 : Le devoir de probité :

« Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations professionnelles. Ce devoir fonde l’observance des règles déontologiques et son effort continu pour affiner ses interventions, préciser ses méthodes et définir ses buts. »

Le psychologue se doit d’avoir un comportement professionnel irréprochable notamment vis-à-vis des autres professionnels avec lesquels il doit collaborer. Ce comportement doit être fait de respect, d’honnêteté et d’intégrité. Aux dires de la requérante, tel n’aurait pas été le cas, d’autant plus que l’acte aurait été prémédité avec « un écrit rédigé à l’avance », lu mais non diffusé.

- Le Titre I- 6 : Le devoir d’anticipation :

« ….Le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers. »

Le psychologue devrait être particulièrement attentif et vigilant relativement aux conséquences psychologiques et professionnelles de son intervention sur la requérante. Il devait notamment anticiper l’effet de son intervention sur la position de la requérante dans l’institution.

 

Conclusion

Si le psychologue a agi tel que le prétend la requérante il a enfreint le Code de Déontologie sur de nombreux points et a donné une image négative de sa profession.

Fait à Paris, le 6 septembre 2003
Pour la CNCDP
Vincent Rogard, Président

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Avis 03-15.doc

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