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La demande émane d’une femme hospitalisée deux semaines dans un hôpital privé à la suite de plusieurs complications sévères après une chirurgie ambulatoire. La dégradation brutale de son état de santé l’a conduite à annuler un voyage en famille et ces évènements ont été particulièrement éprouvants pour elle. Dans ce contexte, l’équipe soignante lui a proposé de rencontrer une psychologue dont les consultations sont prises en charge au cours du séjour hospitalier et qui a également, au sein de cet établissement, une activité libérale à destination des patients externes. Cette psychologue a rencontré à trois reprises la demandeuse pendant son séjour et lui a proposé de continuer à la recevoir après sa sortie en lui remettant ses coordonnées professionnelles libérales.

La demandeuse a souhaité que son dossier médical lui soit transmis à sa sortie et « sa lecture [l]’a profondément choquée ». Elle y a découvert des notes cliniques rédigées par la psychologue à l’issue de chacune des rencontres, mentionnant la nécessité d’une poursuite du suivi psychologique en externe. Ces écrits étant accessibles à l’ensemble du personnel soignant de la clinique, la demandeuse les « considère comme une atteinte grave à son intimité, tant par leur teneur que par leur large diffusion ». Par ailleurs, s’agissant d’un dossier informatisé, les notes intitulées « suivi psycho » apparaissent sous la rubrique « cadre de santé », et non « psychologue », ce qui ajoute à la confusion de la demandeuse.

Cette dernière interroge la Commission sur plusieurs points :

- Le « titre de psychologue n’apparaissant pas » dans ces écrits, « ce statut de cadre l’autorisait-il à se libérer du secret professionnel et à retranscrire [sa] parole sans [l]’en informer et sans [son] consentement » ?

- Les écrits de la psychologue ont été perçus comme « une violation de [son] intimité » et une « absence totale de respect », quelle est la position du code à cet égard ?

- Elle demande si la psychologue « n’a pas manqué de prudence » en « diffusant largement » la proposition de suivi ultérieur. Le projet de suivi psychologique après la sortie la « projetant dans un temps postérieur à [son] hospitalisation, il ne concerne pas l’équipe médicale ni paramédicale et n’apporte rien aux soins » chirurgicaux.

- Cette proposition de suivi ultérieur, évoquée une semaine avant la sortie de la clinique n’était-elle pas « prématurée » ?

- La psychologue était-elle autorisée à proposer une poursuite du suivi dans le cadre libéral après une prise en charge hospitalière ?

Documents joints :

- Copie du dossier médical informatisé de la demandeuse dans lequel apparaissent les notes cliniques horodatées de la psychologue sous la rubrique Mme X – Cadre de santé sous l’appellation « suivi psycho ». 

Posté le 28-07-2016 17:26:18

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2015

Demandeur :
Particulier (Usager / Client)

Contexte :
Question sur l’exercice d’un psychologue

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Dossier institutionnel

Questions déontologiques associées :

- Secret professionnel (Travail d’équipe et partage d’informations)
- Consentement éclairé
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Continuité de l’action professionnelle /d’un traitement psychologique
- Information sur la démarche professionnelle (Explicitation de la démarche aux usagers /clients ou patients (avant ou/ et en cours d’intervention))
- Respect de la personne
- Respect du but assigné

Au vu de la demande et des pièces jointes, la Commission se propose de traiter les points suivants :

  1. La responsabilité professionnelle du psychologue dans une équipe pluridisciplinaire,
  1. Le secret professionnel et la prudence des écrits dans un dossier patient,

Le Code pose un cadre de règles de conduites sur la pratique du psychologue, c’est ce qui est rappelé en frontispice.

Préambule : […] Le présent Code de déontologie est destiné à servir de règle aux personnes titulaires du titre de psychologue […]

Le psychologue est recruté en qualité de cadre, ce statut ne remet pas en cause le secret professionnel mais peut garantir la liberté et l’autonomie du psychologue dans sa pratique et le respect du code de déontologie.

Certaines exigences du milieu professionnel rendent nécessaires pour le psychologue en poste, une réflexion sur son positionnement professionnel et les modalités de son exercice. C’est en effet l’articulation entre ces exigences du cadre d’intervention et les préconisations déontologiques propres au psychologue qui doit être pensée pour parvenir à exercer dans les meilleures conditions possibles au sein d’équipes pluridisciplinaires.

Comme dans la situation proposée, certains services de médecine ou de chirurgie sont attentifs à l’impact émotionnel, pour les patients, des hospitalisations et ont ouvert des possibilités de rencontres ou de prises en charge psychologique en leur sein, le temps de l’hospitalisation. Le psychologue est alors un acteur de santé, au même titre que les autres intervenants médicaux et paramédicaux.

Pourtant, l’exercice de la psychologie demande au psychologue d’être vigilant à faire respecter les spécificités de sa mission comme le rappelle l’article 4 du code de déontologie

Article 4 : Qu'il travaille seul ou en équipe, le psychologue fait respecter la spécificité de sa démarche et de ses méthodes. Il respecte celles des autres professionnels.

Les actions du psychologue hospitalier sont destinées aux patients mais aussi souvent aux équipes. Il échange avec les différents intervenants et les sensibilise avec précaution aux problématiques psychiques des patients.

Pour autant, lorsque le psychologue fait partie d’une équipe multidisciplinaire, l’échange doit se limiter aux informations strictement nécessaires à la prise en charge. L’article 8 du code de déontologie appelle à la vigilance du psychologue sur la nécessité de ne transmettre aux autres professionnels que les informations strictement nécessaires, le dossier médical ayant entre autre pour finalité la mise en commun pluri-professionnel des différents examens d’un patient.

Article 8 : Lorsque le psychologue participe à des réunions pluri professionnelles ayant pour objet l'examen de personnes ou de situations, il restreint les informations qu’il échange à celles qui sont nécessaires à la finalité professionnelle, il s’efforce, en tenant compte du contexte, d’informer au préalable les personnes concernées de sa participation à ces réunions.

L’objectif principal de l’établissement d’un dossier de soin pour un patient est de pouvoir rassembler en un seul document, des données ou des résultats permettant une coordination dans un parcours de soins. La question de la confidentialité de ces données et de la préservation du secret professionnel étant au cœur de ces outils, des dispositions règlementaires ont été établies, notamment pour le dossier médical informatisé : les éléments ou informations qui ne proviennent pas de professionnels de santé et qui n’ont pas directement de relation avec le soin ou la prise en charge ne sont pas requis impérativement. Il est important pour le psychologue d’avoir une nécessaire réflexion quant à l’apport d’informations cliniques dans le dossier si celles-ci ne sont pas en lien direct avec les soins.

Principe 6 :

Respect du but assigné : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers.

Ainsi, dans le cas d’un écrit destiné à être transmis à différents intervenants, ce qui est le cas dans un dossier patient, l’article 17 du Code engage le psychologue à faire preuve de prudence et à rechercher le consentement de l’intéressé.

Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci.

Dans la situation rapportée, les informations cliniques transmises synthétisent en quelques phrases le contenu des entretiens et une proposition de suivi ultérieur est évoquée. Le compte rendu d’hospitalisation comportant la « conduite à tenir » à la sortie et le suivi psychologique faisant partie de l’offre de soin dans cette structure, il peut paraître pertinent que la psychologue informe l’équipe de ce projet de suivi en externe. En revanche, l’information à la patiente de l’existence de ce dossier partagé et l’explication de son intérêt dans la prise en charge aurait pu permettre d’éviter que la demandeuse ressente ce sentiment qu’elle qualifie de « viol de son intimité ». En cas de réticence à cette transmission, la psychologue aurait pu alors faire le choix d’une contribution encore plus laconique dans le dossier afin de respecter la confidentialité des échanges.

Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions

Par ailleurs, les interventions du psychologue semblent ne pas avoir fait l’objet d’une rubrique dédiée dans le logiciel de dossier informatisé. Cette contrainte technique ne va pas sans poser problème puisqu’elle rend confus le statut du rédacteur. L’ajout de la mention « suivi psycho » ne permet que partiellement de palier ce flou quant à la qualité du rédacteur.

Article 21 : Le psychologue doit pouvoir disposer sur le lieu de son exercice professionnel […] de moyens techniques suffisants en rapport avec la nature de ses actes professionnels et des personnes qui le consultent.

De plus, l’article 1 du Code précise que le psychologue doit faire état de son titre.

Article 1 : Le psychologue exerce différentes fonctions à titre libéral, salarié du secteur public, associatif ou privé. Lorsque les activités du psychologue sont exercées du fait de sa qualification, le psychologue fait état de son titre.

Dans la présente situation, les documents édités et remis à la demandeuse ne font état que du nom et de la mention « suivi psycho » au sein de la catégorie « cadre de santé ».

Ces considérations techniques n’empêchent pas de réfléchir à la nécessaire confidentialité des rencontres telle qu’évoquée dans l’article 7 du code de déontologie

Article 7 : Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice.

  1. Continuité de la prise en charge : changement de cadre et poursuite du suivi

Des dispositifs d’accueil de personnes en situations de fragilité ponctuelle se créent avec en leur sein des prises en charge qui se veulent globales, incluant une dimension psychologique. Dans ces conditions il n’est pas rare qu’un psychologue s’entretienne avec une personne sur court un laps de temps. Selon les éléments d’appréciation retenus lors de ces échanges, il peut faire des préconisations de poursuite de prise en charge psychologique qui ne peut s’effectuer dans ce dispositif d’accueil momentanée. Le cadre dans lequel exerce le psychologue constitue ici une des limites de son intervention comme l’y invite le principe 4 :

Principe 4 :

Rigueur […] Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail.

Dans la situation présente, la demandeuse s’étonne que l’avis de poursuite de prise en charge ait été émis 8 jours avant sa sortie effective de l’établissement, les interventions ayant cessées 5 jours auparavant. Les éléments d’appréciation évoqués plus hauts peuvent avoir conduit la psychologue à établir cette proposition. Souvent, suite à une situation aigue, les manifestations psychologiques subsistent et nécessitent un soutien sinon un suivi psychologique.

Il appartient à la psychologue d’accompagner la personne et d’organiser avec elle les modalités de relai de la prise en charge psychologique tout en laissant le libre choix du psychologue. L’engagement et l’implication de la personne sont alors requis afin que la poursuite s’amorce dans les meilleures conditions.

Article 22 : Dans le cas où le psychologue est empêché ou prévoit d'interrompre son activité, il prend, avec l'accord des personnes concernées, les mesures appropriées pour que la continuité de son action professionnelle puisse être assurée.

Principe 1 :

Respect des droits de la personne : […] Il favorise l'accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées […].

Le psychologue peut avoir à la fois une activité libérale et une activité salariée. C’est manifestement le cas de la psychologue rencontrée par la demandeuse dans cet établissement. Ces deux modes parallèles d’exercice ne contreviennent pas à la déontologie du psychologue. Il appartient alors au psychologue de bien préciser les limites et contours de ses interventions. Cette information a semble-t-il été délivrée par la psychologue.

Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions.

Principe 3

Responsabilité et autonomie : […] Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer.

Par ailleurs l’exercice libéral appelle un encadrement différent de la tarification. Il est important que la personne soit précisément informée des émoluments qu’elle devra verser.

Article 28 : Le psychologue exerçant en libéral fixe librement ses honoraires, informe ses clients de leur montant dès le premier entretien et s'assure de leur accord

Le fait de remettre ses coordonnées professionnelles, s’il a été mal perçu par la demandeuse peut néanmoins être posé comme un acte d’information de la psychologue, libre à la demandeuse ensuite de s’en saisir.

                                                                                                                                               Pour la CNCDP

                                                                                                                                               La Présidente

                                                                                                                                         Sandrine Schoenenberger

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