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Le demandeur, père d'un enfant de quatre ans, s'adresse à la CNCDP pour "solliciter un avis consultatif sur la façon et la manière dont [une] psychologue est intervenue auprès de [son] enfant et son comportement lors de [leur] rencontre dans le cadre d'une enquête sociale ordonnée par le Juge aux Affaires familiales ".
Lors de la séparation des parents, une solution de garde alternée a été organisée et fonctionne depuis plus d'un an. L'ex-compagne du demandeur, mère de l'enfant, ayant demandé une modification de cette organisation, le Juge aux affaires familiales a ordonné une enquête sociale afin d'être informé sur les conditions matérielles, morales et affectives chez l'un et l'autre des parents pour déterminer l'intérêt de l'enfant. Une psychologue a été chargée de l'enquête.
Le demandeur rapporte que, lors de leur entrevue, la psychologue lui a d'emblée fait part de "son opposition à la garde alternée telle que le juge l'avait fixée". Il considère qu'elle a ensuite conduit l'entretien avec l'enfant en le questionnant d'une manière insistante qu'il juge tendancieuse et éprouvante pour son fils.
A la lecture du rapport d'enquête sociale, le demandeur considère :

  • qu'elle a conduit son enquête en fonction de ses propres convictions et qu'elle a privilégié le point de vue de la mère de l'enfant,
  • qu'elle omet de mentionner certaines informations concernant son ex-compagne alors qu'il les jugeait préoccupantes,
  • qu'elle a "dénaturé et modifié [ses] propos pour les mettre à sa charge",
  • qu'elle a limité son enquête en se contentant des entretiens avec lui, son ex-compagne et l'enfant, sans rencontrer d'autres personnes qui s'en occupent habituellement et qui auraient pu apporter leur témoignage sur ses conditions de vie.
  •  

Documents joints

  • Copie du rapport d'enquête sociale remis au JAF.
  • Copie des conclusions de l'audience du JAF.
  • Photocopie d’un document indiquant l’avis de la directrice de l'école fréquentée par l'enfant.
  • Photocopie d’un document indiquant l’avis du médecin de famille.
Posté le 07-12-2012 12:29:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Particulier (Patient)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Enquête

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Compétence professionnelle
- Discernement
- Évaluation (Droit à contre-évaluation)
- Mission (Distinction des missions)
- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
- Respect de la personne
- Spécificité professionnelle
- Traitement équitable des parties

Au regard de la contestation du demandeur sur la manière dont une psychologue, mandatée par le JAF, a conduit une enquête sociale concernant son enfant, nous proposons de chercher des éléments de réflexion dans le code de déontologie des psychologues à partir de trois points :

  • La distinction des missions des psychologues,
  • Le traitement équitable des parties et la notion d'intérêt de l'enfant,
  • L'autonomie et la responsabilité des psychologues.

Distinction des missions des psychologues

La notion de mission du psychologue est importante car elle permet de définir le cadre, les objectifs, les modalités, les limites de toutes ses interventions. Le psychologue peut ainsi clairement définir son action et en informer les personnes que sa mission concerne.
L'article 4 du code de déontologie envisage les missions dans lesquelles un psychologue peut-être amené à intervenir

         Article 4 : Le psychologue peut exercer différentes fonctions à titre libéral, salarié ou d'agent public. Il peut remplir différentes missions, qu'il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l'enseignement de la psychologie, l'évaluation, l'expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche etc. Ces missions peuvent s'exercer dans divers secteurs professionnels.
La commission tient à souligner que la liste des missions n'étant pas exhaustive, le psychologue peut rester ouvert à des demandes très diverses ;  toutefois avant de s'engager, il lui incombe de déterminer celles qui relèvent de sa compétence, ce que recommande l'article 7 :
Article 7 : Le psychologue accepte les missions qu'il estime compatibles avec ses compétences, sa technique, ses fonctions, et qui ne contreviennent ni aux dispositions du présent code, ni aux dispositions légales en vigueur
S'il estime que sa mission est compatible avec sa spécificité de psychologue, il devra s'y conformer tant dans le travail qu'il aura à accomplir que dans la façon dont il aura à en communiquer les résultats. Dans tous les cas, la mission fondamentale du psychologue reste définie par l'article 3 :
Article 3 : La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus, considérés isolément ou collectivement.

Le traitement équitable des parties. La notion de l'intérêt de l'enfant.

La notion de traitement équitable des parties est évoquée dans l'article 9  à propos des situations d'expertise :
Article 9 : […] Dans les situations d'expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d'éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d'apporter des preuves.
Toutefois, la commission a été amenée à constater qu'elle est fréquemment consultée pour des situations où le psychologue n'est pas mandaté pour une expertise et doit néanmoins intervenir dans des situations conflictuelles dont les enfants sont l'enjeu et qui sont ou seront traitées dans un cadre judiciaire. Dans de telles situations, l'obligation d'un traitement équitable des parties, qui vaut pour les situations d'expertise, est recommandée. En effet, le souci d'un traitement équitable des parties peut- être utile au psychologue pour être attentif aux pressions dont il est éventuellement l'objet et pour analyser ses propres préjugés et ses propres réactions aux  situations qui lui sont soumises.
Par ailleurs, dans la mesure où, le plus souvent, les enfants sont pris dans des conflits de loyauté et parce que les décisions prises à leur sujet auront une influence déterminante sur leur existence, la commission considère que le psychologue doit être attentif à la façon dont l'enfant perçoit son intervention et sur son intérêt à court et à long terme, quels que soient les enjeux conflictuels entre les adultes, face auxquels le psychologue doit faire preuve d'impartialité. L'enfant, lui-même partie au même titre que les adultes, doit être traité avec bienveillance et en toute équité.

L'autonomie et la responsabilité du psychologue

Elles sont définies par le Titre I-3 :
Titre I-3 : Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s'attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l'application des méthodes et techniques psychologiques qu'il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
Lorsqu'un psychologue est désigné par un magistrat pour apporter des éléments permettant d'éclairer sa décision, il lui appartient donc de décider de rencontrer les personnes qui pourront lui apporter des éléments utiles à son évaluation.
Dans le choix et dans l'application de ses méthodes, l'article 3 cité plus haut reste impératif. L'investigation et l'analyse du matériel recueilli devront être faites dans le plus grand respect des personnes concernées sachant que toute intervention peut avoir un effet éprouvant.
L'article 19 précise en outre que :
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.
Il peut néanmoins arriver que les personnes concernées par l'intervention du psychologue soient en désaccord avec sa démarche et la façon dont il aura interprété les situations. Il se peut qu'elles s'inquiètent des conséquences de conclusions qu'elles contestent.
L'article 9  précise que : « […] Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre évaluation. […] ».

 

Avis rendu le 1er février 2011
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l'avis : Titre I-3, Articles 3, 4, 7, 9,

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Avis 10-18.doc

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