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Une mère sollicite la Commission au sujet de l’attestation d’une psychologue concernant son enfant préadolescent. Cette attestation a été produite par le père dans le cadre d’une procédure judiciaire visant à déterminer le droit de visite et d'hébergement de l'enfant.

En s'appuyant sur un article du code de déontologie, la demandeuse comprend que l'accord des deux parents n'est pas forcément requis pour recevoir un enfant si ce dernier est lui-même demandeur. Partant de ce principe, elle s'interroge sur la réelle demande de son enfant, car sa mère, la grand-mère de l'enfant, en serait à l'origine.

La demandeuse remet en question le « professionnalisme » de la psychologue sur divers aspects. La diffusion d'informations la concernant ainsi que son conjoint, en l'absence de toute rencontre avec la psychologue. Le respect du secret professionnel relatif au fait que la psychologue ait cité la maladie dont la demandeuse est atteinte. L'évocation de son état psychologique basé sur les dires de l'enfant qui « a du mal à vivre la reconstitution familiale ».

En outre, la demandeuse voudrait savoir si la psychologue a le droit de proposer une préconisation « sans avoir eu connaissance de l'histoire dans sa globalité » et « de faire ses déclarations sans avoir été mandatée par un juge ».

Enfin, la demandeuse interroge la Commission sur la pertinence d’une procédure judiciaire à l'encontre de la psychologue.

Document joint :

Copie de l’attestation de la psychologue.

Posté le 30-10-2014 16:16:44

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2013

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Discernement
- Évaluation (Relativité des évaluations)
- Évaluation (Droit à contre-évaluation)
- Impartialité
- Respect de la personne
- Respect du but assigné
- Responsabilité professionnelle
- Secret professionnel

Compte tenu de la situation présentée par la demandeuse, la CNCDP abordera les points suivants :

- L’intervention d’un psychologue auprès d’une personne mineure,

- La prudence et l'impartialité du psychologue.

- Le contenu d'une attestation,

- Le recours envers le psychologue.

L’intervention d’un psychologue auprès d’une personne mineure

Si, comme mentionné dans l’attestation, l’entretien a eu lieu à la demande de l’enfant, le consentement des parents n’est pas nécessaire, mais le psychologue doit considérer cette demande avec prudence et en tenant compte du contexte dans lequel elle est faite :

Article 10 : Le psychologue peut recevoir à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi en tenant compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales et réglementaires en vigueur.

Dans le cas présenté, les divers entretiens téléphoniques avec le père ainsi que l’accord tacite de la grand-mère maternelle, qui a accompagné l'enfant à cet entretien, ont certainement permis à la psychologue d’obtenir des informations concernant l’enfant. Toutefois, ces contacts ne peuvent se substituer à la parole de la mère. C'est pourquoi, il aurait été souhaitable que la psychologue rencontre cette dernière ou pour le moins l’informe des conditions de son intervention auprès de l’enfant. Car en dehors de situations particulières, telles que des cas de maltraitance par exemple, dès lors que la demande concerne le travail au long cours d'un psychologue auprès d'un enfant avec l'accord d'un seul des parents, recevoir un enfant à sa demande ne contredit pas d'obtenir le consentement des deux parents.

Article 11 : L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux.

La prudence et l'impartialité du psychologue.

Tout d'abord, concernant le moyen de communication utilisé dans les contacts avec le père, c'est à dire les entretiens téléphoniques, l’article 27 du code de déontologie des psychologues donne préférence aux rencontres effectives plutôt qu'aux communications à distance :

Article 27 : Le psychologue privilégie la rencontre effective sur toute autre forme de communication à distance et ce quelle que soit la technologie de communication employée. […]

Ensuite, l’article 13 du Code souligne la nécessité d’un examen impartial et direct de la situation par le psychologue :

Article 13 : Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu lui-même examiner.

Dans le cas évoqué, la mère n’ayant pas été entendue, la représentation de la situation par la psychologue peut paraître biaisée. Cependant quelles que soient les informations dont il dispose, l’interprétation est le cœur du travail du psychologue, qui est « averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations » tel que précisé dans l'article 25 du Code :

Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes.

Rien ne s’oppose au fait que le psychologue ne rencontre pas l'entourage de la personne qui le consulte, en l'occurrence l'enfant, s'il ne juge pas indispensable d’obtenir d’autres points de vue.

Enfin, selon le Principe de compétence, tel que défini dans le Code, afin de garantir son impartialité et d’éviter de prendre part au conflit, le psychologue doit faire preuve de prudence :

Principe 2 : Compétence

(…) Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il [le psychologue] fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.

Le contenu d'une attestation

Le Principe 6 et l’article 17 du Code insistent sur cette prudence nécessaire du psychologue lorsque qu'il transmet un écrit à des tiers et sur la nécessité d’une information préalable des personnes concernées par cet écrit :

Principe 6 : Respect du but assigné

[…] En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers.

Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci.

Dans le cas présent, les conclusions du psychologue sont éclairées par des éléments de la vie privée de la mère. Lorsqu'il rédige un écrit, le psychologue doit rapporter les propos de la personne rencontrée entre guillemets et ceci d'autant plus lorsque les personnes dont il est question dans ces propos n'ont pas elles-mêmes été rencontrées.

Principe 1 : Respect des droits de la personne

[…] [Le psychologue] préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. [...]

L’attestation conclut à l’intérêt du placement de l’enfant chez le père assortie d’une distanciation d’avec la mère et d’un suivi thérapeutique. De manière générale, le psychologue doit être vigilant lorsqu'il émet des préconisations, conseils ou indications, il doit être capable d'argumenter son avis en s'appuyant sur une analyse rigoureuse de la situation, de manière à veiller à préserver l'intérêt des personnes concernées, en l'occurrence ici l'intérêt de l'enfant.

Rappelons que dans cette situation, la psychologue n'ayant pas été mandatée par un juge, son attestation n'a pas valeur d'expertise, par conséquent la méthode utilisée ne peut être évaluée et jugée comme s’il s’agissait d’une expertise.

Le recours envers le psychologue

Comme indiqué dans le premier Principe du Code, les psychologues doivent, comme tout professionnel, connaître et respecter les lois communes et notamment celles relatives aux respects des droits fondamentaux de la personne.

Principe 1 : Respect des droits de la personne

Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. […]

Au-delà de ce Principe, la Commission, instance consultative, n’a pas vocation à fournir un avis concernant le recours ou les sanctions possibles envers les psychologues.

Il n'appartient pas à la Commission de se prononcer sur la requête de la demandeuse relative à un éventuel recours judiciaire à l'encontre de la psychologue. En revanche, la Commission rappelle l'article 14 du code de déontologie selon lequel la demandeuse peut rencontrer un autre psychologue pour un second avis.

Article 14: Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire Silvestre-Toussaint

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