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Le demandeur est le père de deux enfants, séparé de leur mère depuis plusieurs années. Il sollicite la Commission au sujet de la pratique professionnelle d'une psychologue et d'un écrit rédigé par celle-ci, produit auprès du Juge aux Affaires Familiales.

Peu après la séparation des parents, cette psychologue a reçulefils aîné pour plusieurs entretiens, en présence de la mère, avant de poursuivre par une prise en charge de la mère seule. Le demandeur indique ne pas avoir été informé queson enfant rencontrait une psychologue, ni des modalités de ces rencontres.

Quelques mois après l'interruption du suivi de l'enfant, la psychologue a rédigé un « rapport non signé et sans destinataires » portant sur les entretiens avec l'enfant. Ce rapport, écrit le demandeur, a été « remis à [son] ex-compagne, puis à son avocate puis à la Juge chargée de l'affaire à cette époque». Celui-ci précise que « la Juge n'a pas mandaté » cette psychologue pour qu'elle rédige un écrit.

Le demandeur s'interroge : « ce document n’est-[il] pas un écrit de complaisance, sans risque pour la psychologue puisque [il n'est] pas signé ? […], celui-ci ne pourrait-il pas être assimilé à un faux ? ». Il souhaite l’avis de la Commission « sur les pratiques » de la psychologue ainsi « qu’un rapport sur la légitimité ou non de ce docteur et de sa façon de faire ».

Documents joints :

  • copie du dépôt de plainte du demandeur à l'encontre de la psychologue auprès du Procureur de la République,

  • copie de l'écrit de la psychologue,

  • copie d'une facturation de séances rédigée par la psychologue,

  • copie de deux procès verbaux de gendarmerie concernant des proches familiaux.

Posté le 19-12-2015 11:42:50

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2014

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Respect de la loi commune
- Respect du but assigné
- Responsabilité professionnelle
- Spécificité professionnelle

Les termes employés par le demandeur induisent une confusion entre psychologue et médecin d'une part, et entre la commission nationale consultative de déontologie des psychologues et le conseil national de l'ordre des médecins d'autre part. La Commission est de nature différente de l’Ordre des médecins : comme indiqué dans l'avertissement, elle est consultative et traite les demandes du point de vue de la déontologie des psychologues, sur la base du code de déontologie actualisé en février 2012.

Au vu des éléments fournis, la Commission traitera les points suivants :

  • le choix des méthodes du psychologue et l'accord des détenteurs de l'autorité parentale dans un contexte de séparation,

  • les écrits du psychologue dans un contexte de séparation parentale.

1. Le choix des méthodes du psychologue et l'accord des détenteurs de l'autorité parentale dans un contexte de séparation

Les psychologues sollicités dans le contexte particulier des séparations parentales et des conflits qui leur sont liés sont confrontés à des situations complexes d'un point de vue déontologique.

D'une façon générale, quand un psychologue reçoit un enfant pour un entretien ponctuel, la Commission rappelleque l'accord des deux parents n'est pas nécessaire. Si la consultation ponctuelle conduit à un suivi régulier de l'enfant, la Commission préconise, en se référant à l'article 11 du Code, que les deux parents en soient informés et qu'ils aient donné leur accord. Cela est d'autant plus nécessaire quand les parents sont séparés.

Article 11 : L'évaluation, l'observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux.

Dans la situation présente, la psychologue a mené quelques entretiens avec l'enfant en présence de la mère puis a pris l'initiative de les arrêter pour poursuivre une prise en charge de la mère seule. Le Principe 3 rappelle que le psychologue a le choix de ses méthodes et qu'il engage sa responsabilité professionnelle dans les décisions techniques qu'il prend :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu'il formule [...]

2. Les écrits du psychologue dans un contexte de séparation parentale

Dans son travail, le psychologue est amené à produire régulièrement des écrits. Dès lors que ces écrits ne sont pas des notes personnelles, le psychologue doit y faire figurer les informations citées dans l’article 20 du Code :

Article 20 : Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique.

Ici, la psychologue n’a pas qualifié son écrit. Pour le nommer, le demandeur utilise le terme de « rapport ». Le document pourrait être davantage qualifié d'attestation car il fait état de constations de la psychologue.Il n’est pas nécessaire que le psychologue soit mandaté par une instance judiciaire pour rédiger une attestation.

Le plus souvent, le psychologue remet ce document à la personne qui lui en a fait la demande, c'est à celle-ci qu’en appartient l’usage. Le psychologue n'a plus la maîtrise de l'écrit qu'il produit en le donnant à un tiers.

Pour cette raison, le psychologue doit faire preuve de prudence dans ce qu'il transmet, comme l'indique l'article 25 :

Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes.

Le psychologue qui produit un écrit concernant un enfant dans le contexte d'un conflit parental doit être particulièrement vigilant sur ce qu'il transmet au parent demandeur, dans un souci d'équité entre les parents et dans l'intérêt de l'enfant.

Dans la demande deprise en charge, le but assigné ici au psychologue est d'accompagner psychiquementl’enfant dans la situation de conflit parental. L’intérêt de l'enfant guide donc le psychologue dans son intervention et dans ses écrits:

Principe 6 : Respect du but assigné :

Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers.

Le demandeur interroge également la Commission sur la possibilité que l’attestation soit un écrit de complaisance voire un faux.

Comme le précise l’avertissement au début de cet avis, la Commission n’a pas pour mission d’enquêter, de vérifier, d’arbitrer ni même de juger. Nonobstant, elle rappelle la responsabilité du psychologue face à la loi commune :

Principe 3, déjà cité

Article 19 : Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire Silvestre-Toussaint

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