Fil de navigation

La demande émane d’une mère de deux enfants adoptés, tous les deux âgés de 10 ans et demi. Elle sollicite la Commission au sujet d’une enquête sociale ordonnée par le Juge aux affaires familiales et réalisée par un psychologue. Cette procédure fait suite à des conflits liés au maintien de la résidence alternée, après un divorce prononcé il y a 6 ans et un signalement récent pour violences de la belle-mère (qui a donné lieu à un classement sans suite du Juge des enfants).

Cette mère estime que le contenu de l’enquête ne respecte pas les missions assignées par le Juge aux affaires familiales qui étaient de « décrire les difficultés liées à la résidence alternée, de rencontrer les enfants dans leurs milieux parentaux et de rechercher avec les parents les meilleures solutions quant à l'exercice de l'autorité parentale ». Elle précise que le psychologue a rencontré les enfants chez leur père avec leur belle-mère, alors qu’elle et son compagnon ont été reçu sans la présence des enfants. Elle souligne par ailleurs que le psychologue n’a pas recueilli d’éléments auprès des personnes qui entourent les enfants, notamment à l’école ou dans la famille élargie, et qu’il a même refusé de les rencontrer.

La demandeuse met en avant que les conflits se sont cristallisés sur le positionnement de la belle-mère, qui chercherait à « se substituer » à sa place de mère en ayant des propos qui ont des répercussions négatives sur ses enfants.

La demandeuse considère que le psychologue « a fait des interprétations à partir de son propre ressenti et n’a pas été impartial ». Elle conteste son évaluation qui serait uniquement basée « sur les propos de la partie adverse » et soulève l’absence de vérification des « révélations de violences » chez le père, faites par les enfants.

Enfin elle indique avoir eu recours à des investigations via un moteur de recherche sur ce psychologue et se questionne sur sa légitimité et sur sa compétence.

Elle transmet aussi à la Commission un courrier adressé à son avocat, par le psychologue qui la suit, dans lequel ce dernier exprime son « impression de fausse note » face aux conclusions de l'enquête sociale.

La demandeuse interpelle donc la Commission sur le contenu et la forme de cette enquête sociale en s’interrogeant sur différents points :

  • Le psychologue n’est-il pas dans l'obligation de définir précisément les limites et les finalités de ses missions en respectant le but assigné ?
  • A-t-il respecté la dimension psychique des enfants dans sa manière de conduire les entretiens ?
  • Les parties ont-elles été traitées de façon équitable ? Le psychologue n’a-t-il pas manqué de discernement dans la rédaction de son écrit ?

Documents joints :

- Copie de l'enquête sociale.

- Copie du courrier du deuxième psychologue assurant le suivi psychologique de la demandeuse et adressé à l'avocat de la demandeuse.

- Copie de la carte d’identité et d’une attestation de la belle-sœur de la demandeuse signalant avoir été témoin de la violence de la belle-mère sur l’un des enfants.

Posté le 27-08-2018 13:14:05

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2017

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’enquête

Questions déontologiques associées :

- Respect du but assigné
- Impartialité
- Discernement

CNCDP, Avis N° 17-01

Avis rendu le   24/03/2017

Principes et Articles du code cités dans l'avis : Principes 2, 3, 4, 6 et articles 2, 9, 14, 16, 17, 25.

Le code de déontologie des psychologues concerne les personnes habilitées à porter le titre de psychologue conformément à la loi n°85-772 du 25 juillet 1985 (JO du 26 juillet 1985). Le code de déontologie des psychologues de 1996 a été actualisé en février 2012, et c’est sur la base de celui-ci que la Commission rend désormais ses avis.

 

RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La demande émane d’une mère de deux enfants adoptés, tous les deux âgés de 10 ans et demi. Elle sollicite la Commission au sujet d’une enquête sociale ordonnée par le Juge aux affaires familiales et réalisée par un psychologue. Cette procédure fait suite à des conflits liés au maintien de la résidence alternée, après un divorce prononcé il y a 6 ans et un signalement récent pour violences de la belle-mère (qui a donné lieu à un classement sans suite du Juge des enfants).

Cette mère estime que le contenu de l’enquête ne respecte pas les missions assignées par le Juge aux affaires familiales qui étaient de « décrire les difficultés liées à la résidence alternée, de rencontrer les enfants dans leurs milieux parentaux et de rechercher avec les parents les meilleures solutions quant à l'exercice de l'autorité parentale ». Elle précise que le psychologue a rencontré les enfants chez leur père avec leur belle-mère, alors qu’elle et son compagnon ont été reçu sans la présence des enfants. Elle souligne par ailleurs que le psychologue n’a pas recueilli d’éléments auprès des personnes qui entourent les enfants, notamment à l’école ou dans la famille élargie, et qu’il a même refusé de les rencontrer.

La demandeuse met en avant que les conflits se sont cristallisés sur le positionnement de la belle-mère, qui chercherait à « se substituer » à sa place de mère en ayant des propos qui ont des répercussions négatives sur ses enfants.

La demandeuse considère que le psychologue « a fait des interprétations à partir de son propre ressenti et n’a pas été impartial ». Elle conteste son évaluation qui serait uniquement basée « sur les propos de la partie adverse » et soulève l’absence de vérification des « révélations de violences » chez le père, faites par les enfants.

Enfin elle indique avoir eu recours à des investigations via un moteur de recherche sur ce psychologue et se questionne sur sa légitimité et sur sa compétence.

Elle transmet aussi à la Commission un courrier adressé à son avocat, par le psychologue qui la suit, dans lequel ce dernier exprime son « impression de fausse note » face aux conclusions de l'enquête sociale.

La demandeuse interpelle donc la Commission sur le contenu et la forme de cette enquête sociale en s’interrogeant sur différents points :

  • Le psychologue n’est-il pas dans l'obligation de définir précisément les limites et les finalités de ses missions en respectant le but assigné ?
  • A-t-il respecté la dimension psychique des enfants dans sa manière de conduire les entretiens ?
  • Les parties ont-elles été traitées de façon équitable ? Le psychologue n’a-t-il pas manqué de discernement dans la rédaction de son écrit ?

Documents joints :

- Copie de l'enquête sociale.

- Copie du courrier du deuxième psychologue assurant le suivi psychologique de la demandeuse et adressé à l'avocat de la demandeuse.

- Copie de la carte d’identité et d’une attestation de la belle-sœur de la demandeuse signalant avoir été témoin de la violence de la belle-mère sur l’un des enfants.

AVIS

           

AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné.

Les avis sont rendus par l'ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.

 

            Compte-tenu de la demande et des pièces jointes, la Commission se propose de traiter les points suivants :

  1. Cadre d'intervention : respect du but assigné et traitement équitable des parties
  2. Discernement et prudence dans la rédaction d’un rapport d'enquête sociale
  1. Cadre de l’intervention : respect du but assigné et traitement équitable des parties

La Commission précise qu’une autorité judicaire choisit en toute autonomie les experts et les enquêteurs qu’elle mandate. Dans le cadre d’une enquête sociale, un magistrat indique l’objet des points à investiguer à l’attention du professionnel mandaté. Ces éléments permettent alors au psychologue enquêteur de définir clairement le but assigné à son intervention.

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. »

Dans la situation présente, en introduction de son rapport au Juge aux affaires familiales, le psychologue a ainsi rappelé les trois axes de son mandat et listé ses différentes interventions. 

Le psychologue mandaté doit alors, dès le début de son intervention, délivrer aux personnes concernées, des informations compréhensibles sur les objectifs et les limites de sa mission. Il doit informer les personnes qu’il reçoit que ses conclusions seront transmises à un tiers comme le stipule l’article 9 du Code de déontologie :

Article 9 : «  [...] Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités, des limites de son intervention et des éventuels destinataires de ses conclusions. »

Dans la situation présente, la Commission ne dispose pas d’éléments suffisants indiquant la manière dont le psychologue a respecté ou non ces obligations.

La lecture du rapport indique que le psychologue reprend en détail les griefs des deux parents, et qu’il a rencontré les enfants seulement au domicile de père et de la belle-mère. De plus, il s’est entretenu par téléphone avec une seule des deux parties, le jour où il a conclu son rapport. Ceci laisse donc supposer un défaut d'équité dans le traitement des parties. Enfin, il semblerait que l’objectif d’obtenir un consensus sur l’exercice commun de l’autorité parentale (qui faisait partie du mandat de cette enquête) n’ait pas été recherché ou obtenu avec les deux parents.

Par ailleurs, dans le cadre d’une intervention dans un contexte conflictuel complexe, le psychologue se doit d’introduire ses conclusions avec prudence, comme le recommande l’article 17 du code de déontologie :

Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci. »

Dans le cas présent, le psychologue présente dans sa conclusion, sans beaucoup de prudence, comme une « alternative sérieuse », de fixer la résidence des enfants chez leur père si le conflit ne s’apaise pas.

Enfin, la Commission rappelle qu’une situation de conflit d’intérêts peut apparaître quand un professionnel traite de plusieurs parties qui s’opposent. Le psychologue doit dans ces cas agir avec grande impartialité et neutralité. Il lui appartient d’informer les parties sur les possibilités de demander une contre-enquête comme le précise l’article 14 du Code :

Article 14 : « Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation ». 

 

  1. Discernement et prudence dans la rédaction d’un rapport d’enquête sociale.

Dans tout écrit, le psychologue doit faire preuve de discernement et de prudence dans les informations qu’il communique afin de respecter la dimension psychique des personnes qu’il reçoit, comme cela est rappelé dans le Code de déontologie à plusieurs reprises :

Préambule : Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l'action des psychologues.

Article 2 : « La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur les composantes psychologiques des individus considérés isolément ou collectivement et situés dans leur contexte. »

Dans la situation présente, outre les éléments descriptifs qui font l’objet de sa mission, le psychologue se livre à des interprétations sur les liens entre la mère et ses enfants qui le conduisent à conclure au risque d’échec de la résidence alternée. Il aurait dû analyser avec les protagonistes les répercussions de son enquête sur la dynamique familiale et sur l'évolution psychoaffective des enfants.

L'utilisation du conditionnel, qui est faite dans le rapport du psychologue, ne représente pas en soit un gage de neutralité et d’impartialité vis à vis des parties en présence. Ce choix peut même induire la mise en doute des allégations rassemblées.

Le psychologue s’assure aussi que son écrit est compréhensible comme le recommande l’article 16 du Code :

Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. »

Dans l’enquête présente, le psychologue aurait pu choisir un vocabulaire et une syntaxe plus clairs pour les intéressés.

Dans ce contexte, la Commission rappelle également que le psychologue a engagé sa responsabilité professionnelle comme le mentionne le principe 3 :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. […] ».

Le psychologue doit ainsi veiller à ce que son écrit n'amène pas à des interprétations réductrices ou potentiellement définitives qui seraient préjudiciables à l'intérêt des personnes, comme le mentionne l’article 25 et le Principe 2 du Code :

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. »

Principe 2 : Compétence

«  […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité ».

Dans son rapport d’évaluation le psychologue semble avoir manqué de prudence et de rigueur en particulier concernant les interprétations sur la maternité adoptive de la demandeuse. Les observations et interprétations d’un psychologue doivent reposer sur un argumentaire rigoureux.

Ces précautions répondent également à l'impératif de rigueur défini dans le Code :

Principe 4 : Rigueur

« Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. »

Pour la CNCDP

La Présidente,

Mélanie GAUCHÉ

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité.

Avis rendu le : 24/03/2017

Principes, Titres et articles du code cités dans l'avis :

Principes 2, 3, 4, 6 et articles 2, 9, 14, 16, 17, 25.

Indexation du résumé :

Type de demandeur : Particulier TA Parent

Contexte de la demande : Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande d’avis : Écrit d'un psychologue TA Rapport d’enquête sociale

Indexation du contenu de l’avis :

Respect du but assigné

Responsabilité professionnelle

Impartialité

Évaluation TA relativité des évaluations

Transmission de données psychologiques TA Compte rendu à un service administratif avec information de l'intéressé

Télécharger l'avis

Avis_17-01.pdf

Recherche