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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La demandeuse, mère de deux garçons de 13 et 10 ans, est engagée dans une procédure de divorce. Les enfants sont en résidence alternée. Le père a initié depuis deux ans environ un suivi par une psychologue pour leurs deux fils, sans en avoir averti la mère.

Cette mère sollicite l’avis de la Commission au sujet de ce qu’elle estime être des « manquements déontologiques » de la part de la psychologue. Tout d’abord, elle lui reproche de ne pas l’avoir contactée. Elle ne comprend pas pourquoi la psychologue ne communique pas avec elle et ne lui répond pas, malgré plusieurs tentatives de sa part (par téléphone, par courriel et par courrier recommandé). Elle considère que la psychologue est partiale et qu’elle a brisé le secret professionnel établi avec les enfants, en transmettant plusieurs écrits, dont un explicitement adressé au tribunal dans le cadre de la procédure judiciaire dont elle a pris connaissance lors de l’assignation en référé.

La demandeuse interroge aussi la Commission sur les possibilités de recours auprès d’un tribunal pouvant mettre en cause le travail effectué par un psychologue et sa responsabilité professionnelle. Par ailleurs, elle indique avoir porté plainte auprès de la gendarmerie estimant que les écrits de la psychologue comportent des contenus qu’elle qualifie de diffamatoires.

Documents joints :

  • Copie de deux courriers adressés par la mère à la psychologue qui suit ses enfants.
  • Copie d’un « certificat » rédigé par la psychologue avec tampon de l’avocate de la mère.
  • Copie d’un courrier adressé par la psychologue au Juge aux Affaires Familiales (JAF) du Tribunal de Grande instance (TGI).
  • Copie d’un courrier rédigé par la psychologue et signalant la situation préoccupante des enfants du couple.
  • Copie d’un courriel adressé au Syndicat National des Psychologues (SNP).
  • Copie de la plainte déposée par la demandeuse auprès de la gendarmerie.
Posté le 19-01-2020 17:18:52

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2018

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Code de déontologie (Finalité)
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Impartialité
- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
- Respect de la personne
- Respect du but assigné
- Responsabilité professionnelle
- Secret professionnel (Obligation du respect du secret professionnel)

AVIS 

AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné.

Les avis sont rendus par l'ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.

 

La Commission se propose de traiter des points suivants :

  • Nature des écrits rédigés par les psychologues, respect de la dimension psychique et confidentialité.
  • Respect du but assigné et traitement équitable des parties dans un contexte de séparation parentale.

1- Nature des écrits rédigés par les psychologues, respect de la dimension psychique et confidentialité.

Le psychologue peut être amené à rédiger divers textes tels que des « attestations », des « comptes rendus », des « courriers » voire des « expertises ». Quel que soit le cadre d’exercice, ces écrits engagent sa responsabilité professionnelle comme l’indique le Principe 3 du code de déontologie :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle ».

Dans un contexte de divorce conflictuel, quand un psychologue reçoit un des membres du couple et qu’il accepte de rédiger un document à la demande de celui-ci, il doit veiller à la rigueur de sa rédaction et prendre en considération la diffusion potentielle de son texte comme le rappelle l’article 17 :

Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire ».

La Commission, après examen des documents joints par la demandeuse, constate que la psychologue ne précise pas leur nature. Elle « certifie » qu’elle voit les enfants dans le cadre d’une thérapie et rapporte les conclusions d’une « passation de tests projectifs ». Par ailleurs, deux « certificats », qui ne mentionnent aucun destinataire, ont été produits dans le cadre de la procédure judiciaire, tandis qu’un autre est adressé directement au JAF et reprend le même type de contenu. Ce dernier document rapporte essentiellement les propos tenus par les deux garçons, soit seuls, soit en présence de leur père, soit dans le cadre d’un bilan de personnalité, mais dans tous les cas en l'absence de leur mère que la psychologue n’a, semble-t-il, jamais rencontrée.

            Le courrier adressé au JAF se conclut par « l’inquiétude » de la psychologue vis-à-vis des deux garçons. Un autre des courriers produits dans le cadre de la procédure judiciaire a pour objet « signalement d’une situation préoccupante » sans mention de destinataire et s’achève par l’évocation d’une « maltraitance psychique du côté maternel ». Ces écrits semblent explicitement motivés par la volonté de rapporter le verbatim des enfants directement au Juge. Selon toute vraisemblance, en l’absence d’objet pour l’un et de destinataire pour l’autre, ces écrits n’ont pas le caractère d’une expertise, même si le contenu pourrait pourtant s’en rapprocher. Tout ceci contrevient à l’article 20 du code de déontologie qui énonce nettement la nécessité de caractériser l’objet de tout écrit produit dans le cadre professionnel :

Article 20 : « Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature […] ».

Si ces documents peuvent s’apparenter à une attestation de propos rapportés, ces écrits ne peuvent pas non plus avoir le statut d’une « évaluation » qui serait professionnellement et méthodologiquement fondée, comme indiqué dans l’article 13 du code de déontologie :

Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu examiner lui-même ».

Par ailleurs, si le suivi est effectué au motif d'un travail thérapeutique auprès des mineurs, le psychologue doit respecter la vie privée des deux parents, ainsi que celle des enfants. D’une manière générale, les propos tenus lors des entretiens relèvent de la confidentialité comme le précisent le Principe 1 et l’article 7 du Code, à l'exception d'informations qui pourraient relever de la protection des personnes.

Principe 1 : Respect des droits de la personne

« Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. […] Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. […] »

Article 7 : « Les obligations concernant le secret professionnel s'imposent quel que soit le cadre d'exercice ».

Transmettre des propos entendus lors d’entretiens psychothérapeutiques à un tiers extérieur, quand bien même il s’agit de mineurs, remet en cause le secret professionnel qui est une obligation déontologique à laquelle tout psychologue est tenu. Le fait que ces entretiens aient donné lieu à un compte rendu de la situation familiale, avec des recommandations transmises à la justice les détourne donc de leur vocation confidentielle. Cela témoigne d’un certain manque de prudence et de discernement de la part de la psychologue et contrevient au Principe 2.

Principe 2 : Compétence

[…] « Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il (le psychologue) fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité ».

Il convient cependant de rappeler que le psychologue est parfois confronté à la possibilité voire à l’obligation de lever le secret professionnel dans des cas précis énoncés dans la loi commune. Ainsi, si le psychologue recueille des informations qu'il estime préoccupantes concernant la situation des enfants dans l'un ou l'autre des foyers, il n’a pas pour mission de vérifier les faits mais doit évaluer avec discernement s'il est nécessaire de transmettre ces informations aux autorités compétentes. Pour cela, il se réfère au Principe 1 - déjà cité - et à l'article 19 du Code, qui traitent spécifiquement de la protection des personnes :

Article 19 : « Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Dans le cas de situations susceptibles de porter atteintes à l'intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou celle d'un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d'assistance à personne en péril ».

Dans ces situations, les signalements sont adressés aux autorités compétentes qui peuvent mandater les services à même d’instruire une évaluation voire une expertise.

Par ailleurs, le psychologue doit veiller à instaurer une relation respectueuse avec les enfants reçus en consultation. L'expérience de cette relation doit concerner à la fois la vie psychique et la reconnaissance des besoins de l'enfant, mais aussi la manière dont est considéré chacun des parents par le psychologue. Ceci est rappelé dès le Préambule du Code ainsi que dans le Principe 1 et l’article 7 déjà cités.

Préambule :

« Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l'action des psychologues ».

La non-observance de ces principes fait courir au psychologue le risque d'être pris dans des conflits parentaux et de ne pas en protéger les enfants qu'il reçoit. L'article 9 du code de déontologie est dans ce cas un point d'appui. En effet, c'est au préalable que le psychologue doit expliciter les limites de ses interventions aux personnes qu'il reçoit, dont leurs objectifs et leur finalité.

Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l'obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions».

Enfin, la question de l'accord parental s’agissant de mineurs est d’abord déterminée par la loi, en particulier dans le cadre de l’autorité parentale partagée. Le psychologue qui effectue un suivi thérapeutique avec des enfants doit s'assurer de l'accord de l'un et l'autre des parents. Le code de déontologie est précis à ce sujet en particulier dans l’article 11 :

Article 11 : « L'évaluation, l'observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux ».

2- Respect du but assigné et traitement équitable des parties dans un contexte de séparation parentale.

L’ambiguïté concernant la nature des écrits interroge la Commission quant à la position occupée par la psychologue. Selon le contexte évoqué, elle exercerait une fonction de psychothérapeute ce qui est en effet conforme à l’un des choix d’interventions du psychologue comme le rappelle l’article 3 du Code :

Article 3 : « Ses interventions en situation individuelle, groupale ou institutionnelle relèvent d’une diversité de pratiques telles que l’accompagnement psychologique, le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, le travail institutionnel. Ses méthodes sont diverses et adaptées à ses objectifs. Son principal outil est l’entretien ».

Cependant selon le Principe 3, déjà cité, le psychologue se doit d’adapter ses méthodes à ses objectifs, ce qui lui demande de bien délimiter le but qu’il assigne à sa mission. Il y a lieu, dans cet exercice, de ne pas confondre les objectifs d’une psychothérapie et les fonctions auxquelles le patient tente d’assigner le psychologue.

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

[…] [Le psychologue] « peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer ».

Le cadre posé par un psychologue pour une thérapie n'est pas le même que pour des entretiens visant à la production d'un écrit contenant des préconisations. Il en est de même pour les méthodes utilisées qui diffèrent selon l'objectif de la mission. Dans cette situation, la psychologue semble avoir utilisé une méthode d'entretiens psychothérapeutiques alors qu'elle aurait pu proposer une méthode d'entretiens à visée d'évaluation, en informant l'ensemble des protagonistes concernés y compris la mère.

En outre, il convient de rappeler que le psychologue est tenu de respecter la cohérence entre le dispositif mis en place et le motif initial de sa mission. Le Principe 6 du Code précise que le psychologue ne saurait détourner un cadre d’intervention à d’autres fins que celles pour lesquelles il a été mis en place :

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers ».

La demandeuse s’est vue écartée de toute rencontre avec la psychologue, sans aucune communication malgré ses différents courriers et prises de contact. Au regard du Principe 4 du code de déontologie, il était souhaitable et certainement possible de la recevoir pour lui expliquer la spécificité du cadre de la thérapie en cours :

Principe 4 : Rigueur

« Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail ».

Enfin, la mère est directement concernée par l'écrit de la psychologue puisqu'il y est question de ses relations avec ses enfants. Elle doit par conséquent être informée par la psychologue du devenir de ce document, tel que cela est précisé dans l’article 16 et dans l’article 17, déjà cité :

Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés ».

En conclusion, la Commission recommande aux psychologues de faire usage de rigueur, prudence et impartialité dans la rédaction de leurs écrits.

Pour la CNCDP

La Présidente

Mélanie GAUCHÉ

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité.

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Avis_18-14.pdf

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