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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La mère d’un adolescent de 16 ans adresse à la Commission plusieurs documents qui auraient été rédigés par deux psychologues ayant reçu son fils à la demande du père de ce dernier. Les parents sont en instance de divorce depuis une année. Le père aurait initié ces consultations sans information ni accord maternel préalable. Celui-ci prendrait appui sur ces documents pour motiver sa demande de résidence exclusive de son fils « avec un simple droit de visite à l’amiable » pour la mère.

Cette dernière dément plusieurs allégations du garçon, consignées dans les écrits en question. A l’appui de son analyse, la demandeuse fournit des copies de courriels que le père a adressé à leur fils afin de lui fournir, selon elle, « les mots-clés à donner aux psychologues ».

Elle estime que son fils n’est pas « en danger psychologique » avec elle, ce qui à ses yeux aurait légitimé le principe d’une consultation psychologique. Tout en faisant référence à certains textes juridiques, elle qualifie de manquements au code de déontologie le fait de ne pas avoir été reçue par les deux psychologues qui auraient dû l’informer de son « droit à demander une contre-évaluation ». C’est sur ces points que la Commission est invitée à se prononcer.

Documents joints :

  • Copie d’un « compte rendu d’entretien » rédigé par une première psychologue transmis au Juge aux Affaires Familiales (JAF) portant tampon d’un avocat.
  • Copie de deux courriels adressés par le père à son fils, l’un trois jours avant l’entretien avec la première psychologue et l’autre la veille.
  • Copie partielle de notes manuscrites rédigées par une seconde psychologue.
Posté le 21-06-2020 23:24:33

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2019

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Autonomie professionnelle
- Discernement
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Évaluation (Droit à contre-évaluation)
- Impartialité
- Secret professionnel (Notes personnelles, Obligation du respect du secret professionnel)

La Commission se propose de traiter des points suivants :

  • Intervention du psychologue auprès d’un mineur au cours d’une procédure de divorce. 
  • Les écrits du psychologue et son usage dans un contexte de procédure judiciaire.
  1. Intervention du psychologue auprès d’un mineur au cours d’une procédure de divorce 

Le psychologue est autonome pour concevoir le cadre de son intervention, au regard de ses compétences, afin de répondre à la demande qui lui a été adressée. Le dispositif instituant une relation entre lui et la personne accueillie, se fonde sur plusieurs principes et articles du Code. Il a le choix des méthodes et des outils qui seront utilisés et engage sa responsabilité professionnelle dans la manière dont il répond à la sollicitation d’un patient ou d’un parent, ceci en conformité avec le Principe 3 du Code :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »

Le psychologue adapte ainsi ses méthodes à ses objectifs, tout en déterminant le but qu’il assigne à son intervention, ceci en conformité avec le Principe 6 :

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers ».

Dans la présente situation, la première psychologue indique avoir reçu l’adolescent « en consultation simple » et elle précise que c’est à la demande de ce dernier. Elle mentionne l’avoir déjà vu avec ses parents deux ans auparavant « pour un bilan psychologique ». Le second document fait état d’un « examen psychologique » du garçon mais, faute des première(s) page(s) et de l’en-tête, la Commission n’a pu identifier ni le demandeur ni la méthode.

Or, un psychologue qui reçoit un mineur dans un contexte de séparation parentale doit être particulièrement vigilant quant aux demandes qui lui sont adressées par un seul des parents. Il doit être attentif à la façon dont les enfants perçoivent cette intervention, surtout lorsque la relation entre les parents est conflictuelle. L'analyse d’une situation familiale ne peut s’appuyer sur une seule entrevue et sur les déclarations d’un seul protagoniste. Elle nécessite et suppose de la part du psychologue rigueur et discernement comme indiqué dans le Principe 2 du Code.

Principe 2 : Compétence

« […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité ».

De plus, l’examen d’un mineur requiert de tenir compte des recommandations contenues dans les articles 10 et 11 du Code :

Article 10 : « Le psychologue peut recevoir à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi en tenant compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales et réglementaires en vigueur. »

Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux. »

Si la première psychologue était fondée à s’appuyer sur l’article 10 pour recevoir en entretien individuel l’adolescent, la Commission s’est interrogée sur sa décision de transmettre au Juge aux Affaires Familiales un document reprenant des éléments recueillis lors de cette entrevue, sans proposer ses conclusions de façon plus étayée. Quant à la seconde psychologue, il est difficile de se représenter, à travers la qualité de la pièce jointe, « les méthodes rigoureuses » qui, selon elle, lui ont permis de considérer que le garçon « n’est ni manipulé, ni fabulateur ou mythomane ». L’absence d’information et de consentement de la mère concernant cette deuxième intervention est également à souligner.

La Commission s’est aussi interrogée sur le recours au verbatim du garçon, par les deux praticiennes, pour étayer la présentation qui est faite de la mère et sur leur prise en compte des obligations liées au secret professionnel telles que rappelées au Principe 1 et à l’article 7 du Code :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

« (…) Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. »

Article 7 : « Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice. »

Enfin, la demandeuse invoquant la possibilité de demander une contre évaluation, il est rappelé combien cette démarche est légitime, comme l’article 14 du Code le prévoit :

Article 14 : « Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation.

  1. Les écrits du psychologue dans un contexte de procédure judiciaire

Les documents rédigés par le psychologue sont généralement dénommés « attestations », « comptes rendus », « courriers » ou bien encore « expertises ». Si une attestation a pour objectif de mentionner qu’un patient a été reçu une ou plusieurs fois, que le suivi continue ou non, un compte rendu, quant à lui, consiste à expliciter une intervention, par exemple d’une consultation dans un objectif précis.

L’exercice est rendu particulièrement délicat quand le document est produit en justice comme c’est le cas dans la situation présente. Cela doit inviter le psychologue en charge d’une telle responsabilité à observer la plus grande prudence, comme indiqué dans le Principe 2 déjà mentionné.

Afin de prendre en compte leur possible diffusion, le psychologue prend soin, dans sa rédaction, d’être mesuré et réfléchi, ceci à la lumière des articles 25 et 17 :

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. »

Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. »

Dans la situation étudiée, la Commission a été sensible au fait que le premier document va au-delà de la simple restitution d’événements ; quant au second, il s’apparente à des prises de notes personnelles.

Seule la première pièce jointe est dénommée « compte rendu », elle porte aussi une indication explicite quant à son destinataire. Le second document, est nettement moins identifiable que le premier, hormis le fait qu’il comporte une signature. L’absence de première(s) page(s) incluant un en-tête, sa présentation sous forme manuscrite laisse supposer une écriture au brouillon. La Commission s’est interrogée sur la manière dont la demandeuse a pu se procurer cet écrit. Elle rappelle à ce titre que les notes personnelles prises par le psychologue au cours de son intervention n’ont pas à être diffusées.

La Commission tient à réaffirmer la nécessité pour le psychologue de respecter et de faire respecter, les dimensions de rigueur et d’impartialité dans toutes ses interventions, comme le Principe 4 l’indique.

Principe 4 : Rigueur

« Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. »

De fait et quelle qu’en soit la dénomination, l’écrit d’un psychologue doit répondre aux règles formelles énoncées dans l’article 20.

Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature… »

La Commission n’a pu se prononcer directement sur ce point du fait d’un défaut de reproduction dans les pièces jointes. Elle a pu seulement supposer fondée l’affirmation de la demandeuse qui mentionne n’avoir trouvé aucun numéro ADELI pour la première psychologue alors qu’elle fournit celui de la seconde.

Pour la CNCDP

La Présidente

Mélanie GAUCHÉ

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

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