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En conflit avec son ex-épouse au sujet de la garde de leur enfant, le requérant souhaite  recueillir l’avis de la C.N.C.D.P. « sur les pratiques » d’une psychologue consultée par la mère.
La psychologue, clinicienne et psychothérapeute, a rencontré plusieurs fois leur enfant qui « serait perturbé par l’environnement dans lequel il vivait ». Selon le requérant, « le fait que son fils consulte » ne le «  gênait pas » mais il « aurait toutefois aimé être informé ». L’année suivant ces rencontres , le Juge aux affaires familiales attribue la garde du garçon à son père. La mère de l’enfant est très affectée par cette décision et présente la situation à l’enfant de « la pire des manières ». Elle demande alors à la psychologue de faire passer un test à son fils « afin de montrer qu’il était perturbé » et non pas, selon le requérant ,de « faire en sorte qu’il vive mieux la transition qui s’annonçait ».
Au cours d’un entretien, sollicité par le père, la psychologue l’informe du test qu’elle a pratiqué et lui propose «  de (lui) envoyer une copie du rapport correspondant quand il serait rédigé ».
Quelques jours plus tard, le requérant reçoit un courrier de la psychologue l’informant « qu’elle n’était pas en mesure » de lui communiquer un double du bilan et l’invitant à s’adresser  directement à la mère de leur enfant -demandeuse du test- pour en obtenir le compte rendu .Elle confirme les conclusions provisoires qu’ils avaient évoquées lors de leur entretien «  à savoir que le garçon est actuellement très perturbé par la décision du juge qui vient d’être rendue, et éprouve de très fortes angoisses de séparation d’avec sa mère » . 
Au terme de ces démarches, le requérant  souligne et déplore :
- le fait de ne pas avoir été informé par la psychologue du test envisagé pour son fils,
- le fait que la psychologue ait accepté de faire passer un test «  à chaud »  dans un contexte très conflictuel et d’avoir ainsi fait preuve de « partialité »,
- le fait que la psychologue se soit ainsi « laissée volontairement instrumentaliser, endossant la position  que seul un expert auprès des tribunaux peut prendre, avec précaution et s’il a été mandaté par la justice . »

Pièces jointes
-Le compte-rendu du test pratiqué par la psychologue (portant le cachet d’un cabinet d’avocat),
- Le courrier de celle-ci adressé au requérant

Posté le 30-11-2010 15:22:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2004

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Examen psychologique

Questions déontologiques associées :

- Mission (Distinction des missions)
- Évaluation (Relativité des évaluations)
- Évaluation (Droit à contre-évaluation)
- Consentement éclairé
- Responsabilité professionnelle
- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Transmission de données psychologiques (Compte rendu aux parents)
- Respect du but assigné

La Commission donnera son avis sur 3 points :

  1. la distinction des missions de la psychologue,
  2. la forme et le contenu du compte rendu du test,
  3. la pratique de la psychologue à l’égard du père

 1- la distinction des missions de la psychologue :
Si la psychologue avait  assuré un suivi thérapeutique de l’enfant -qu’elle aurait reçu à plusieurs reprises- la Commission se demande s’il était opportun qu’elle fasse passer elle-même un test à ce même enfant. En effet , cette nouvelle intervention, en instaurant entre l’enfant et la professionnelle concernée un autre type de relation risquait de modifier le processus thérapeutique en cours. Par ailleurs l’implication antérieure de cette psychologue dans un contexte familial conflictuel pouvait influencer son impartialité. L’avis d’un confrère moins impliqué dans la situation familiale pouvait  être souhaitable au regard de l’article 9 «  Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. ».
En acceptant de pratiquer un test, la psychologue a-t-elle eu le souci des respecter l’article 4 du Code : «  Le psychologue peut exercer différentes fonctions à titre libéral, salarié ou d'agent public. Il peut remplir différentes missions, qu'il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l'enseignement de la psychologie, l'évaluation, l'expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, etc. Ces missions peuvent s'exercer dans divers secteurs professionnel ».

2-  la forme et le contenu du compte rendu du test :
Sur le plan formel, la psychologue a respecté l’article 14 « Les documents émanant d’un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport etc) portent son nom, l’identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire » .
En revanche, en ce qui concerne le destinataire, même si la formule  « Madame, Monsieur, » employée par la psychologue pourrait signifier que le compte rendu est bien adressé à la mère et au père de l’enfant, rien ne permet de l’affirmer . En ce sens la psychologue aurait dû mentionner clairement le ou les destinataires de son courrier .
Le consentement de l’enfant à la passation du test  est évoqué : le principe 1 du Titre I est ainsi observé «  Le psychologue n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées ».
Sur le plan du contenu de l’examen psychologique, le test appliqué est dûment précisé et le compte rendu qu’en fait la psychologue est nuancé et ne comporte aucun jugement partial ou réducteur.
Certes la psychologue souligne dans sa conclusion les angoisses de l’enfant mais grâce à une formulation prudente et au conditionnel, elle respecte ainsi l’article 19 du code « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ses conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence ». 
L’importance affective pour l’enfant de chacun de ses deux parents est développée dans un souci évident d’équité et d’impartialité . Ainsi l’article 12  du code est-il respecté : « Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel . »

3-  La pratique de la psychologue à l’égard du père :
Dans la situation familiale décrite, où les deux parents détenaient l’autorité parentale, la psychologue aurait dû demander au père l’autorisation de pratiquer le test qu’elle avait prévu comme le demande l’article 10 du Code : « Lorsque la consultation pour des mineurs ou des majeurs protégés par la loi est demandée par un tiers, le psychologue requiert leur consentement éclairé, ainsi que celui des détenteurs de l’autorité parentale ou de la tutelle. »
En ce qui concerne le refus de donner au père le compte-rendu du test appliqué à son fils ,la Commission estime que la psychologue n’a pas respecté l’article 12 du Code qui stipule « Les intéressés ont le droit d’obtenir un compte-rendu compréhensible des évaluations les concernant quels qu’en soient les destinataires » 
Les conclusions que la psychologue confirme au père dans son courrier, ne constituent pas un compte rendu recevable et sont contraires à l’esprit de l’article 12 « Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique que les fondent que si nécessaire. ».

En conclusion, c’est dans ses rapports avec le père de l’enfant, qui venait d’en obtenir la garde, que la psychologue n’a pas su tenir  compte de la responsabilité de celui-ci.

PARIS, le 12 mars 2005
Pour la CNCDP
Jean  CAMUS, président

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Avis 04-24.doc

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