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La demande provient d’un homme actuellement engagé dans une procédure de divorce conflictuelle. Il sollicite l’avis de la CNCDP à propos d’une attestation établie par un psychologue et produite en justice par son épouse. Le demandeur explique que celle-ci avait été suivie en thérapie par le psychologue, et lui-même dit avoir été « reçu en consultation à la même époque par [ce psychologue] pour nos difficultés conjugales ».
Il cite des passages de l’attestation et attire l’attention de la Commission sur plusieurs points (en mentionnant à l’appui, les art. 12 § 3, 14, 19 et le Titre I - 1 du Code de Déontologie) :

    • le document a été établi 4 ans après les consultations, avec force détails
    • aucun destinataire n’est spécifié
    • le document fait référence « de façon induite » à lui-même, et non seulement à sa femme
    • le document « tire des conclusions très détaillées et définitives »
    • il n’a été informé de ce document que « fortuitement et a posteriori », alors que le couple y est qualifié de « destructeur, sado-masochiste, pervers, machiavélique et que les termes forts abondent : angoisse, peur, haine, dégoût, vengeance, ignominie, représailles, violence réactionnelle, guerre ignoble »
    • le document n’indique pas qu’il a lui-même « consulté ce psychologue à la même époque et pour le même motif ».

 

Le demandeur dit avoir pris contact avec le psychologue au sujet de cette attestation mais que celui-ci lui a répondu « qu’il n’avait rien écrit [le] concernant ».
La question qu’il pose à la Commission est la suivante : « votre commission peut-elle considérer que cette attestation respecte vos principes professionnels ».
Il demande aussi à la Commission de lui indiquer « l’organisme ou l’autorité » susceptible de dire si « les jugements prononcés et les termes employés [dans l’attestation] » ne seraient pas « de nature à [lui] porter préjudice », au cas où la Commission ne pourrait pas « répondre directement » à cette question.
Le demandeur n’exclut « aucune action de nature à obtenir réparation » de son préjudice moral.

Documents joints :

  • Copie du bordereau de communication de pièces entre avocats
  • Copie de l’attestation du psychologue
Posté le 17-12-2010 12:38:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2008

Demandeur :
Particulier (Usager / Client)

Contexte :
Procédure judiciaire entre époux

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels (identification du psychologue, du destinataire))
- Consentement éclairé
- Respect du but assigné
- Respect de la personne
- Responsabilité professionnelle
- Évaluation (Relativité des évaluations)

Comme le rappelle l’avertissement ci-dessus, la CNCDP n’est pas une instance de jugement. Elle n’est pas habilitée à se prononcer en matière de droit et n’a pas pouvoir de sanction. Son rôle est de délivrer des avis pour éclairer une réflexion déontologique sur les conduites des psychologues. Si le demandeur estime avoir subi un préjudice, il peut utiliser les procédures de recours habituels.
La situation exposée ici renvoie à la question des attestations rédigées par des psychologues. La Commission se propose de la traiter en 3 points :
1/ Le contexte de production d’une attestation
2/ Les règles de confidentialité et de secret professionnel
3/ L’implication de tiers dans une attestation

 

1/ Le contexte de production d’une attestation

L’article 14 du Code donne des indications sur la forme que doit revêtir tout écrit professionnel d’un psychologue :
« Les documents émanant d'un psychologue (attestation. bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l'identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire ».
Lorsqu’il s’agit d’une attestation, celle-ci est établie à la demande de l’intéressé et fait état d’une constatation établie dans le cadre de l’exercice professionnel du psychologue. Il y précise sa profession, la date et le contexte de la demande et éventuellement les méthodes qu’il a utilisées pour étayer ses constatations.
Dans ce type d’attestation, l’auteur engage sa responsabilité professionnelle et sa probité.
Ce type d’attestation porte généralement la mention « attestation remise à l’intéressé pour dire et faire valoir ce que de droit ».
En outre, dans toute situation conflictuelle traitée en justice, les pièces versées au dossier d’une des parties sont transmises à la partie adverse par l’intermédiaire des avocats.  
Enfin, un délai de plusieurs années n’est pas incompatible avec les règles déontologiques à condition que le psychologue précise l’époque de ses constatations ou conclusions.

 

2/ Les règles de confidentialité et de secret professionnel

Comme tout écrit émanant d'un psychologue, une attestation doit respecter les règles de confidentialité et de secret professionnel, conformément aux articles suivants du Code :

Titre I, 1 : Respect des droits de la personne
Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il n'intervient qu'avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Réciproquement, toute personne doit pouvoir s'adresser directement et librement à un psychologue. Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel, y compris entre collègues. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même.
Titre I, 6 : Respect du but assigné
Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
Art. 12. Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. Les intéressés ont le droit d'obtenir un compte rendu compréhensible des évaluations les concernant, quels qu'en soient les destinataires. Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu'à la question posée et ne comportent les éléments d'ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire.
Article 19 - Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.

L'ensemble de ces articles compose un cadre clair et cohérent qui permet au psychologue de se situer, dans ses interventions et ses écrits, entre les deux écueils que sont la « langue de bois » et l'infraction aux règles de confidentialité et de secret professionnel. Pour une attestation par exemple, remise certes à l'intéressé mais pour une utilisation généralement "grand public", et notamment comme témoignage en justice, le psychologue devra porter la plus grande attention au vocabulaire qu'il utilise, éviter le jargon, s'abstenir de porter un diagnostic, dire clairement par quels méthodes et outils il est parvenu à ses conclusions, et quelle en est la marge d'erreur.
Tout ceci dans le but de rendre l'écrit compréhensible à des lecteurs non professionnels, et de leur éviter des erreurs d'interprétation.

3/ L’implication de tiers dans une attestation

Article 9 (…) Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Mais son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu examiner lui-même. (…)"

Dans ce cas de figure, la plus grande prudence est requise. En effet, si le psychologue ne peut faire autrement que de se référer à une situation plus globale, comme par exemple à un contexte familial, il est important qu’il indique clairement qu'il s'agit là d'une situation qui lui a été rapportée, sans laisser croire au lecteur que ce sont des conclusions qui reposeraient sur un examen personnel de la situation.

 

Avis rendu le 15 novembre 2008
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof

 

Articles du code cités dans l'avis : Titres I,1 & I,6 ; articles 9, 12, 14, 19

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Avis 08-18.doc

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