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Une psychologue scolaire demande « avis et conseil » à la CNCDP, pour définir son « positionnement professionnel » dans une situation relationnelle conflictuelle avec la directrice d'une des écoles du secteur dans lequel elle exerce.
Cette dernière lui demande notamment de lui fournir son emploi du temps, les noms des élèves rencontrés ainsi que celui des familles qu'elle reçoit à leur demande. L'intéressée indique avoir « refusé d'obtempérer, en défendant le principe d'une psychologie scolaire accessible à tous, comme le stipulent [ses] missions.»
D'autres points sont conflictuels, tels que l'accès à son bureau dans l'école, pour les familles qui ont rendez-vous avec elle, l'autorisation d'absence durant le temps scolaire pour des enfants dont les parents ont pris rendez-vous avec des spécialistes extérieurs à l'école, suivant ses conseils. L'inspecteur de l'Education Nationale responsable du réseau d'aide spécialisée aux élèves en difficulté (RASED), dont cette psychologue fait partie, l'a récemment mise « face à l'injonction de répondre aux demandes de cette directrice » qui lui reproche de déroger « au respect des règles de l'école ». Dans cette situation, elle ne se sent plus « en mesure de fonctionner comme psychologue, en tout cas, selon la définition [qu'elle s'était faite de son identité professionnelle] ».
L'intéressée interpelle la CNCDP sur trois questions précises illustrées par des descriptions de situations concrètes. « Comment organiser ma pratique de psychologue dans cette école pour pouvoir vivre paisiblement sans trahir les règles de déontologie? »

  • « La directrice est-elle en droit de s'opposer aux soins organisés sur un temps scolaire après un bilan psychologique? »
  • « L'accord oral d'une famille donné en entretien ou en équipe éducative est-il suffisant pour que soit effectuée une investigation psychologique? »

 

Documents joints

  • Copie d'un courrier de la directrice demandant notamment à ce que les noms des élèves soient communiqués.
  • Copie d'une lettre de mère d'élève demandant à « être prévenue avant chaque test psychologique ».
Posté le 09-09-2013 15:23:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2011

Demandeur :
Psychologue (Secteur Éducation)

Contexte :
Relations/conflit avec la hiérarchie, l’employeur, les responsables administratifs

Objet de la demande :
Organisation de l’exercice professionnel
Précisions :
Dispositif institutionnel

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Confidentialité (Confidentialité de l’identité des consultants/ des personnes participant à une recherche)
- Information sur la démarche professionnelle
- Mission (Distinction des missions)
- Mission (Compatibilité des missions avec la fonction, la compétence, le Code de déontologie, dans un contexte professionnel donné)
- Probité
- Responsabilité professionnelle
- Secret professionnel
- Transmission de données psychologiques (Compte rendu à un service administratif)

Après examen des questions qui lui sont posées, la commission propose de traiter les points suivants :

  • L'indépendance professionnelle du psychologue et le respect du cadre institutionnel
  • La confidentialité et le partage d'informations utiles à la prise en charge dans une équipe pluridisciplinaire
  • L'information des parents et des demandeurs lors d'examen ou de suivi d'enfants mineurs : l'accord oral des parents est-il suffisant?

L'indépendance professionnelle du psychologue et le respect du cadre institutionnel.

Plusieurs articles du code de déontologie font référence à l'indépendance du psychologue, ce qui en souligne l'importance, et l'article 8 du titre II en fait une obligation, au même titre que le secret professionnel :
Article 8 : Le fait pour un psychologue d'être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou à tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l'indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions
Le principe I-7  lui confère une importance particulière :
Principe I-7 – Indépendance professionnelle : Le psychologue ne peut aliéner l'indépendance nécessaire à l'exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit.

Il est intéressant de souligner que cette notion d'indépendance n'est pas ici présentée comme un droit qui autorise des exigences, mais comme un devoir qui oblige le psychologue à être vigilant pour tout ce qui concerne sa pratique. Elle  nécessite de sa part une réflexion constante de clarification de sa position et de ses relations dans les différentes situations où il est appelé à intervenir, en particulier lorsqu'il est confronté à des contraintes institutionnelles. Le principe de probité est, en quelque sorte, ce qui lui permet de situer les modalités de cette indépendance :
Principe I-4 – Probité : Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations professionnelles. Ce devoir fonde l'observance des règles déontologiques et son effort continu pour affiner ses interventions, préciser ses méthodes et définir ses buts.
Parmi les outils spécifiques dont dispose le psychologue, le concept de cadre est particulièrement utile pour conduire sa réflexion permanente. Il permet également de concilier l'exigence d'indépendance avec les éléments de réalité d'une appartenance institutionnelle, dont les aléas peuvent remettre en question la représentation que le psychologue se fait de son exercice.
En outre, le cadre est destiné à organiser une situation, de telle sorte que puisse s'y effectuer ce pour quoi elle est conçue, en l'occurrence pour le psychologue, l'exercice de ses missions. C'est en ce lieu précis que le code de déontologie situe l'autonomie et la responsabilité du psychologue:
Principe I-3 - Responsabilité : […] Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l'application des méthodes et techniques psychologiques qu'il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels
De même qu'il en définit les limites:
Principe I-6 – Respect du but assigné : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement.
Le cadre définit donc un espace interne de liberté, et permet au psychologue d'en repérer les  limites, ainsi que les points d'articulation ou de confusion avec d'autres cadres au sein desquels il est parfois amené à exercer.
Dans cette problématique d'articulation entre cadre professionnel et cadre institutionnel, la situation des psychologues scolaires est particulière. En effet, leur action s'inscrit étroitement dans le cadre scolaire dont elle participe, et qui définit leurs missions avec précision (cf. la circulaire n° 90-083 du 10-04-1990 citée en annexe).
L'école est désignée comme lieu d'exercice des psychologues scolaires. La spécificité de leur fonction tient au fait que l'on reconnaît les interactions entre  les processus psychologiques (individuels et collectifs) et les capacités d'apprentissages.
Leurs missions sont essentiellement définies par rapport au projet de l'école de venir en aide à tous les enfants en difficulté : assurer l'examen, l'observation et le suivi psychologiques des élèves en liaison étroite avec les maîtres et les familles, fournir des éléments d'information résultant de l'analyse des difficultés de l'enfant, proposer des formes d'aides adaptées et favoriser leur mise en œuvre.
Une autre particularité de la mission des psychologues scolaires réside dans leur intégration au RASED (Réseau d'Aide Spécialisée aux Elèves en difficulté), regroupant plusieurs établissements scolaires. Le psychologue est ainsi amené à intervenir ponctuellement auprès d'équipes locales différentes, ce qui l'oblige à adapter son cadre professionnel au sein de lieux distincts, ayant eux aussi leurs propres règles de fonctionnement, leurs attentes et leurs représentations du rôle du psychologue.
Il est sans doute utile de distinguer le cadre institutionnel global auquel se réfère habituellement le psychologue et dont procèdent ses missions, des différents cadres d'intervention où il exerce ces missions et qui dépendent eux-mêmes du même cadre institutionnel
Le principe I-4 du code, déjà cité, auquel il convient d'ajouter les recommandations de l'article 6 du code sont est ici utiles :
Article 6 : Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte celles des autres professionnels.
Le fait que le psychologue scolaire exerce sous la responsabilité et l'autorité de l'inspecteur de l'Education Nationale, responsable du RASED, lui confère une relative autonomie par rapport aux différents lieux où il est appelé à intervenir. Le RASED constitue son cadre de référence.
Enfin, compte-tenu de la multiplicité et de la diversité de ses missions, il semble bien que la référence à la mission fondamentale du psychologue telle qu'elle est définie dans l'article 3 du code reste sa meilleure garantie :
Article 3 : La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus considérés isolément ou collectivement.

La confidentialité et le partage d'informations utiles à la prise en charge dans une équipe pluridisciplinaire.

Le fait que les interventions du psychologue scolaire soient étroitement liées au cadre scolaire appelle une réflexion sérieuse sur le respect de la confidentialité en ce qui concerne les enfants et les familles qu'il est amené à recevoir.

En effet dans toutes ses actions, le psychologue scolaire se trouve associé au travail des équipes, dont les membres, le plus souvent à l'origine de demandes de consultation, participent aux élaborations qui en résultent, et assument en partie la mise en place de projets d'école ou de projets d'aide individualisés.
Au sein de ce travail pluridisciplinaire, il convient de préciser que le rôle spécifique du psychologue concerne les examens psychologiques, le suivi psychologique, l'observation, l'organisation et l'animation de groupes de réflexion.
Le champ d'investigation du psychologue s'avère donc très vaste et il convient de s'interroger sur la transmission des informations attendues par ses collègues non-psychologues : est-elle compatible avec le respect du secret professionnel dont le code rappelle l'exigence dans l’article 8 précité ? Comment est-elle conciliable avec la notion éthique de confidentialité?
Introduite en 2007, la notion de secret partagé devrait en principe garantir la confidentialité de ce qui peut être évoqué en équipe pour éclairer le travail d'élaboration collectif. En ce sens il engage la responsabilité de toutes les personnes concernées.
Cependant, le psychologue a pour mission d'assurer le respect de la vie psychique des enfants et de leurs proches, il lui revient donc de distinguer soigneusement ce qui est de l'ordre de l'information utile, voire nécessaire, au fonctionnement institutionnel, et ce qui est de l'ordre de l'indiscrétion.
Il se réfère en cela aux articles du code concernant la transmission d'informations :
Principe I-6 – Respect du but assigné : […] Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faite par des tiers.
Ainsi que l'article 12:
Article 12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et des  outils sur lesquels il les fonde et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. […] Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu'à la question posée et ne comportent les éléments d'ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire.
Dans la mesure où la demande d'intervention du psychologue pour éclairer la prise en charge ou l'orientation pédagogique d'un enfant émane de l'école, il paraît normal que les responsables d'un projet d'équipe s'informent de l'état d'avancement d'une intervention en cours, sans qu'il y ait pour autant violation du secret professionnel. On retiendra ici la notion d'information utile pour l'avancement de la prise en charge, dans l'intérêt de l'enfant.

L'information des parents et des demandeurs lors d'examens ou de suivis d'enfants mineurs : l'accord oral des parents est-il suffisant?

 Ce sont généralement les enseignants ou les familles qui sollicitent l'intervention d'un psychologue scolaire en vue d'un examen clinique ou psychométrique. Dans tous les cas, l'autorisation des détenteurs de l'autorité parentale est requise avant tout examen individuel, comme le stipule l'article 10 du code:
Article 10 : Le psychologue peut recevoir, à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi. Son intervention auprès d'eux tient compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales en vigueur. Lorsque la consultation pour des mineurs ou des majeurs protégés par la loi est demandée par un tiers, le psychologue requiert leur consentement éclairé, ainsi que les détenteurs de l'autorité parentale ou de la tutelle.
Il n'est toutefois pas indiqué que ce consentement doive être donné par écrit. En outre, il s'agit d'un accord préalable à l'examen. Ensuite, le psychologue devient seul responsable du choix de ses méthodes et des interventions qu'il juge utiles pour recueillir les éléments lui permettant de répondre aux questions qui lui sont posées

Pour la CNCDP
La Présidente
Marie-Claude GUETTE-MARTY

 

Articles du code cités dans l'avis : I-3, I-4, I-6, I-7 ; II-3, II-6, II-8, II-10, II-12

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Avis 11-02.doc

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