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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La demandeuse est une avocate représentant une société mise en cause par une ex-salariée. Cette dernière, au cours d’une procédure judiciaire à l’égard de son ancien employeur devant un conseil prud’homal, pour des faits de harcèlement moral, a produit une attestation rédigée par un psychologue du travail.

Sur la base de divers articles et principes du code de déontologie des psychologues, mais aussi d’avis émis par la CNCDP, la demandeuse attend de la Commission de reconnaître « l’illégalité de l’attestation de complaisance » rédigée par le psychologue, et que ce dernier réécrive son attestation d’une façon plus conforme à la déontologie.

Documents joints :

  • Copie d’un document intitulé « Attestation » rédigé par un psychologue
  • Copie d’un document intitulé « Requête aux fins de saisine du Conseil de Prud’hommes » rédigé par un avocat
Posté le 15-08-2023 16:57:21

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2022

Demandeur :
Professionnel Non Pyschologue (Avocat)

Contexte :
Relations/conflit avec la hiérarchie, l’employeur, les responsables administratifs

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Évaluation (Évaluation de personnes liées au psychologue (personnellement ou professionnellement))
- Impartialité

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • Écrits du psychologue dans le cadre d’une procédure prud’homale

 

Écrits du psychologue dans le cadre d’une procédure prud’homale

En préambule, la CNCDP souhaite préciser qu’elle n’a pas compétence juridique pour qualifier et faire reconnaître l’illégalité d’une initiative dont un psychologue aurait la responsabilité, tout comme encore moins peut-elle exiger de celui-ci la rectification de ses écrits d’une manière plus conforme à la déontologie.

Dans le cadre de sa pratique, le psychologue peut être amené à rédiger des documents de diverses natures, que cela soit de sa propre initiative ou à la demande d’un tiers. Considéré alors comme un acte professionnel, chaque écrit signé de sa main engage sa responsabilité, ainsi le rappellent les Principes 4 et 5 du Code :

Principe 4 : Compétence

« La·le psychologue tient sa compétence :

- de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par l’article 44 de la loi du 25 juillet 1985 modifiée, relative à l’usage professionnel du titre de psychologue ;

- de l’actualisation régulière de ses connaissances ;

- de sa formation à discerner son implication personnelle dans l’approche et la compréhension d’autrui.

Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Elle·il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité déontologique de refuser toute intervention lorsqu’elle·il sait ne pas avoir les compétences requises. Quels que soient le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, elle·il agit avec prudence, mesure, discernement et impartialité. »

Principe 5 : Responsabilité et autonomie professionnelle

« Dans le cadre de sa compétence professionnelle et de la nature de ses fonctions, la·le psychologue est responsable, en toute autonomie, du choix et de l’application de ses modes d’intervention, des méthodes ou techniques qu’elle·il conçoit et met en œuvre, ainsi que des avis qu’elle·il formule.

Elle·il défend la nécessité de cette autonomie professionnelle inhérente à l’exercice de sa profession notamment auprès des usagers, employeurs ou donneurs d’ordre. Au préalable et jusqu’au terme de la réalisation de ses missions, elle·il est attentif·ve à l’adéquation entre celles-ci et ses compétences professionnelles.

Elle·il peut exercer différentes missions et fonctions. Il est de sa responsabilité de les distinguer et de faire distinguer leur cadre respectif. »

Concernant la rédaction d’un écrit, celui-ci doit par ailleurs pouvoir répondre aux recommandations formulées par l’article 18 :

Article 18 : « Les documents émanant d’un·e psychologue sont datés, portent son identité, son titre, son numéro d’inscription sur les registres légaux en vigueur, ses coordonnées professionnelles, sa signature ainsi que la·le destinataire et l’objet de son écrit. Seul la·le psychologue auteur·e de ces documents est habilité·e à les signer, les modifier, ou les annuler. Elle·il fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. »

 

Dans le cas présent, le psychologue qui a rédigé le document intitulé « Attestation » a donné un titre à son écrit, tout comme les différentes coordonnées et références attendues. Cependant, manquent l’existence d’un objet précis, ainsi qu’une mention comme « Attestation remise en main propre pour faire valoir ce que de droit ». En cela, le psychologue a pu manquer de rigueur dans la rédaction de ce type de document, et ainsi aurait-il gagné à s’appuyer sur le Principe 6 et l’article 15 :

Principe 6 : Rigueur et respect du cadre d’intervention

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par la·le psychologue répondent aux objectifs de ses interventions, et à eux seulement.

Les modes d’intervention choisis et construits par la·le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée et adaptée à son interlocuteur, ou d’une argumentation contradictoire avec ses pairs de leurs fondements théoriques et méthodologiques. »

Article 15 : « La·le psychologue présente ses conclusions de façon claire et adaptée à la personne concernée. Celles-ci répondent avec prudence et discernement à la demande ou à la question posée. Lorsque ces conclusions sont transmises à un tiers, elles ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. L'assentiment de la personne concernée ou son information préalable est requis. »

 

Dans cet écrit, le psychologue établit un lien de cause à effet entre l’état psychologique de sa patiente et ce qu’elle lui a rapporté de ses conditions de travail du moment. En cela, il était en adéquation avec ce qu’énonce l’article 13 :

Article 13 : « L’évaluation relative aux personnes ne peut se réaliser que si la·le psychologue les a elle·lui-même rencontrées. La·le psychologue peut s’autoriser à donner un avis prudent et circonstancié dans certaines situations, sans que celui-ci ait valeur d’évaluation. »

 

Néanmoins, pour qu’un lien de causalité soit établi sans ambiguïté entre l’état de sa patiente et les conditions de travail de celle-ci, encore fallait-il que le psychologue puisse faire par lui-même l’observation de ce qu’elle lui rapportait comme étant à l’origine de son état de souffrance.

Si l’intervention du psychologue ne visait pas à attester de la véracité des propos de la salariée mais uniquement ce qui, selon lui, faisait sens dans le lien qu’elle établissait entre son état et le changement de contexte de travail, il eut été souhaitable de faire preuve d’une plus grande prudence dans la façon d’établir ses conclusions, comme le précisent les articles 5 et 22 :

Article 5 : « En toutes circonstances, la·le psychologue fait preuve de mesure, de discernement et d’impartialité. La·le psychologue accepte les missions qu'elle·il estime compatibles avec ses fonctions et ses compétences dans le respect du présent Code. Si elle·il l’estime utile, elle·il peut orienter les personnes ou faire appel à d’autres professionnels. »

Article 22 : « La·le psychologue est averti·e du caractère relatif de ses évaluations et interprétations et elle·il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Elle·il émet des conclusions contextualisées et non réductrices concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. »

 

Sur la base de ce qui précède, l’écrit rédigé par le psychologue apparaît plus comme un soutien à la démarche de saisine prud’homale. Pour autant, rien ne permet d’en tirer la conclusion qu’il s’agirait là d’une « attestation de complaisance », et qu’il serait bienvenu que son auteur la réécrive.

Pour finir, la Commission souhaite cependant rappeler aux psychologues combien il est opportun de savoir évaluer en conscience l’utilisation que peut être faite de l’écrit dont ils ont la responsabilité, encore plus lorsque ces écrits sont destinés à un tiers.

 

Pour la CNCDP

Le Président

Antony CHAUFTON

 

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité.

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