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Le demandeur sollicite la Commission au sujet d'une « information préoccupante » ou signalement rédigée par une psychologue exerçant en libéral concernant sa fille âgée de quatre ans. 

Séparé de la mère depuis que sa fille est âgée de six mois, il précise que celle-ci n'a « cessé de l'évincer de [son] rôle de père » depuis leur séparation, en ne respectant pas les modalités de résidence et en déposant des recours auprès du juge aux affaires familiales pour limiter ses droits de visite et d’hébergement.

Deux mois avant son courrier à la Commission, le demandeur a décidé de se rapprocher géographiquement du lieu de résidence de la mère afin de favoriser les liens avec sa fille. Depuis ce jour, il n'a plus aucun contact avec sa fille et la mère refuse tout échange avec lui lorsqu'il souhaite prendre de ses nouvelles et ne lui présente pas l'enfant pour qu'il exerce son droit d'hébergement.

Au même moment, la mère et leur fille ont été reçues lors d'une consultation par une psychologue qui a rédigé l'information préoccupante auprès des autorités administratives et judiciaires, écrit que Monsieur qualifie de « complaisance ». Il remet en question cet écrit où la psychologue recueille les propos de la mère et dans lequel elle pose « des questions absurdes à sa fille qui vont dans le sens de la mère ».

Le demandeur est très préoccupé par la situation de sa fille. Il décrit que la mère a une relation exclusive avec elle et qu'elle a le souhait de « le supprimer [ce qui] entraîne un déséquilibre et une inquiétude certaine chez l'enfant ». Il pense que le dernier recours de la mère « a été de le dénoncer de la pire des choses à savoir d'attouchements sur [sa] fille » par le biais d’une information préoccupante, et de lui faire « subir de nombreuses expertises ».

Ainsi, le demandeur interroge la Commission sur « le fond, la forme et les aspects déontologiques » de cette attestation.

 Pièce jointe :

  • Copie du courrier de l’information préoccupante rédigée par la psychologue.
Posté le 27-09-2017 18:30:56

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2016

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Question sur l’exercice d’un psychologue

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Signalement

Questions déontologiques associées :

- Assistance à personne en péril (Protection)
- Discernement
- Impartialité
- Responsabilité professionnelle
- Respect de la loi commune

A la lecture de la demande et de la pièce jointe, la Commission traitera des points suivants :

1. « Information préoccupante ou signalement » : nécessité de prudence et de discernement.

2. La rédaction d'un écrit portant sur une information préoccupante.

 

1. « Information préoccupante ou signalement » : nécessité de prudence et de discernement.

Tout psychologue ayant suspicion d'agissements préjudiciables sur un mineur doit évaluer la nécessité de le protéger. Il a alors l'obligation de transmettre les éléments de danger au Président du conseil départemental ou de saisir directement le Procureur de la République, comme le précise l'article 19.

Article 19 :" […] Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d’un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à personne en péril. […]".

Le secret professionnel peut être levé dans certaines circonstances, si la situation de la personne examinée, ici l'enfant, donne à penser au psychologue que ce dernier est en danger ou en risque de l'être. Pour cela, le psychologue doit mener une réflexion sur la conduite à tenir en prenant de la distance. Il mène une analyse sur la situation de l'enfant et de sa famille, sur les éléments de danger qu'encourt l'enfant et sur les répercussions possibles des décisions qu'il prendra pour l'ensemble des protagonistes. En effet, cette responsabilité professionnelle est précisée en introduction des Principes Généraux et dans le Principe 3 du Code :

"La complexité des situations psychologiques s'oppose à l'application automatique de règles. Le respect des règles du présent Code de Déontologie repose sur une réflexion éthique et une capacité de discernement […]"

Principe 3: Responsabilité et autonomie

"Outre ses responsabilités civiques et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu'il formule".

Dans la situation présente, la psychologue a engagé sa responsabilité professionnelle en décidant de rédiger cette information préoccupante. Elle a fait le choix de rapporter les propos évoqués par la mère. La concomitance entre la date de consultation sollicitée par la mère de l’enfant et le moment où le père s'est rapproché géographiquement de la mère, ainsi que le contexte de séparation parentale très conflictuel auraient pu inciter la psychologue à une plus grande prudence, et à élaborer d’autres hypothèses que celles proposées par la mère.

De plus, la difficulté à interpréter les propos de très jeunes enfants aurait pu également l’amener à approfondir ses investigations car elle n'a reçu qu'une seule fois la petite fille en présence de sa mère, sans la recevoir seule. Le Code rappelle les précautions à prendre par les psychologues dans leur exercice professionnel :

Principe 2 : Compétence

"Le psychologue tient sa compétence :

[…] de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité ».

L’évaluation des situations de suspicion d’attouchements sexuels sur de très jeunes enfants étant particulièrement complexe, le psychologue doit faire preuve de discernement et de rigueur, dans le cas d'une information préoccupante, transmise dans le cadre de séparations parentales.

Principe 4 : Rigueur

"Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explication raisonnée et une argumentation rigoureuse contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail".

Il apparaît que lors de cette consultation, la psychologue a orienté sa décision dans l’intérêt de l’enfant, compte tenu des propos tenus par la mère. Toutefois, le contexte familial aurait dû la rendre plus prudente vis-à-vis des propos de la mère de l’enfant, et l’amener à tenter de rencontrer le père seul ou le père et sa fille dans la mesure du possible afin de mieux saisir les enjeux familiaux. 

La Commission estime que cette exigence de traitement équitable est à recommander aux psychologues recevant des enfants pris dans un conflit familial aigu.

Dans les problématiques complexes ou inquiétantes, le psychologue peut prendre conseil auprès de collègues pour avis comme recommandé à la fin de l'article 19 :

Article 19 : « [...] Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés ».

 

2. La rédaction d'un écrit portant sur une information préoccupante

Le demandeur qualifie l’écrit rédigé par la psychologue de « complaisance ». On parle d'attestation de complaisance accordée à une personne lorsqu’un professionnel, en connaissance de cause, produit un document permettant à cette personne de bénéficier d'un avantage auquel elle n'a pas droit en réalité.

Dans la situation décrite, l’hypothèse soulevée par le demandeur d’une attestation de complaisance supposerait que l’écrit ait été délivré par la psychologue dans le but volontaire de favoriser les intérêts de la mère, dans ce contexte familial complexe. Il n'est ni dans les moyens ni dans le rôle de la Commission de soutenir ou de contester l'accusation du demandeur sur ce plan à l'égard de la psychologue. 

Le psychologue a une obligation de protection vis-à-vis des personnes qu'il reçoit, notamment s'agissant de patients mineurs, en référence aux législations concernant la protection de l'enfance.

Principe 1 : Respect des droits des personnes

"Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection".

Dans le contexte décrit, le psychologue doit veiller à la plus grande prudence et à une réflexion préalable à la rédaction d’un écrit relevant d’une information préoccupante en estimant le risque d’instrumentalisation qui pourrait en être fait, et les conséquences potentiellement préjudiciables pour les différents protagonistes.

Enfin, dans le cadre d’un écrit concernant un enfant, et en dehors d’un cas de force majeur comme un danger imminent, le psychologue se doit d’informer au préalable les représentants légaux, à savoir ici les parents, de sa décision de rédiger et de transmettre une information préoccupante comme le souligne le cadre réglementaire et, d’un point de vue déontologique, l'article 17 :

Article 17 : "La transmission à un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci".

 

 

Pour la  CNCDP

La Présidente

Catherine MARTIN

 

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avis 16-06 AI.pdf

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