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Le demandeur s'adresse à la Commission à propos de son droit de visite et d'hébergement concernant sa fille âgée d'une dizaine d'années. La séparation parentale est ancienne. Elle a eu lieu peu de temps après la naissance de l'enfant. Le premier mode de garde dans la petite enfance a été celui d'une résidence alternée. Après une période de plusieurs années ponctuées par trois décisions du juge aux affaires familiales, l'enfant réside maintenant au domicile de sa mère avec droit de visite et d'hébergement au père.

Le conflit parental, resté latent, a récemment ressurgi après que la mère ait consulté une psychologue pour l'enfant. Les premiers entretiens ont eu lieu en présence de la mère. Une séance père-mère-enfant a suivi, qui a été très conflictuelle. Le nouveau compagnon de la mère aurait également été reçu, en présence de l'enfant.

Suite à ces entretiens, le père a adressé un courrier à la psychologue, très critique à l'égard de ses interventions. Celle-ci a alors décidé de suspendre la prise en charge. Elle estimait que les désaccords exprimés par le père ne rendaient plus possible le suivi, tout en soulignant que l'enfant avait besoin d'une aide psychologique. Ce sont ces désaccords que le demandeur expose à la CNCDP pour obtenir son avis sur le comportement professionnel de la psychologue. Ils concernent essentiellement les aspects suivants :

- Le fait que les séances de soutien psychologique aient concerné la mère et la fille entendues ensemble. Le demandeur souhaitait que sa fille soit entendue seule car il pense « que la maman exerce d'énormes pressions et manipulations sur [l'enfant] ». Il interroge : « La méthode employée […] correspond-elle au code de déontologie des psychologues ? »

- Le fait que lors de la rencontre du demandeur avec la psychologue, et en présence de sa fille, il se soit senti "décrédibilisé", "dévalorisé" et "calomnié" par la psychologue. Il demande : « Cette situation de premier entretien et [le] comportement [de la psychologue] répondent-ils aux critères du code de déontologie des psychologues? »

- Le fait que, aussi bien pour sa fille que pour lui, la psychologue se soit fait une opinion très rapidement. « Dans le cadre du code de déontologie, un psychologue peut-il affirmer avoir identifié les problèmes psychologiques d'une enfant en quatre ou cinq séances ? » « Comment a-t-elle pu affirmer après trois séances que je n'étais pas un père qui s'occupe de son enfant ? »

- Enfin, le fait que sa compagne n'a pas été entendue par la psychologue alors que le mari de la mère de la fillette l'a été. Le demandeur écrit : « La question que je me pose, y a-t-il eu traitement équitable des parties ? »

Documents joints :

- Copie du procès-verbal d'une déclaration de non présentation d'enfant fait par le père en gendarmerie,

- Copie d’une lettre du demandeur à la psychologue,

- Copie d'une lettre au demandeur dans laquelle la psychologue l'informe qu'elle suspend la prise en charge de sa fille,

- Copie d'un échange de courriers électroniques entre le demandeur et la mère de l'enfant,

- Copies de photos montrant l'enfant dans des scènes de vie familiale auprès de son père,

- Copie d'une présentation de l'article L131-2 du Code de l'éducation, accompagnée de considérations sur les règles d'hygiène à appliquer aux enfants,

- Copie d'une ordonnance autorisant l'assignation du demandeur devant le juge aux affaires familiale sur requête de la mère de l'enfant,

- Copie de l'assignation du demandeur à comparaître devant le juge aux affaires familiales.

Posté le 29-10-2014 20:37:03

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2013

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Consultation

Questions déontologiques associées :

- Accès libre au psychologue
- Autonomie professionnelle
- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Code de déontologie (Référence au Code dans l’exercice professionnel, le contrat de travail)
- Compétence professionnelle
- Discernement
- Évaluation (Relativité des évaluations)

Au vu de la situation présentée et des interrogations du demandeur, la Commission se propose d’aborder les points suivants :

- Le psychologue et le choix de ses méthodes et techniques,

- L'aspect relatif des évaluations et interprétations du psychologue,

- Le travail thérapeutique avec l'enfant et le travail du psychologue avec les parents, dans un contexte de conflit parental,

- Le traitement équitable des parties.

    1. 1. Le psychologue et le choix de ses méthodes et techniques

Les modes d'intervention des psychologues sont divers. Cette diversité tient à la pluralité des situations et des personnes rencontrées autant qu'à la variété des spécialisations professionnelles des psychologues. Dans ce contexte, c'est bien à chaque psychologue d'apprécier quel dispositif est le plus approprié dans son secteur d'intervention pour les personnes qu'il rencontre.

Principe 3, Responsabilité et autonomie : […]Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. […]

Cela ne signifie pas que tout est possible. Le Code est clair à cet égard, l'autonomie technique du psychologue s'exerce dans le cadre de sa compétence professionnelle, une compétence dont le principe 2 rappelle les principales caractéristiques.

Principe 2 : Compétence

Le psychologue tient sa compétence :

-de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue ;

- […] Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. […].

L'usage professionnel du titre étant protégé par la loi, ceux qui peuvent en faire usage ont suivi une formation longue et exigeante délivrée par des structures universitaires habilitées à cette fin. C'est dans ce cadre que chaque psychologue se dote de la qualification technique qui lui permettra d'utiliser à bon escient une gamme de méthodes et d'ajuster son intervention aux caractéristiques des situations dans lesquelles il interviendra. Comme le rappelle opportunément le principe 2, l'expérience professionnelle du psychologue lui permettra de clarifier et préciser encore l'étendue et les limites des qualifications dont il est garant.

Si les modes d'intervention choisis par le psychologue ne doivent rien à l'arbitraire, s'ils résultent d'une formation de haut niveau complétée par l'expérience du terrain, alors le psychologue doit pouvoir en répondre personnellement et justifier de la pertinence de ses choix. C'est à ce propos, le choix des modes d'intervention, que le Code invoque le principe de rigueur :

Principe 4 : Rigueur

Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail.

Les choix techniques que fait un psychologue sont donc généralement justifiés. Il reste qu'ils peuvent être discutés et que rien ne s'oppose à leur examen critique. Le code de déontologie des psychologues ne peut servir à cet examen que sur le plan déontologique. On y trouve des règles pour les personnes titulaires du titre de psychologue et le préambule du Code précise :

Préambule

[…] Le respect de ces règles protège le public des mésusages de la psychologie et l'utilisation de méthodes et techniques se réclamant abusivement de la psychologie. […]

Dans la situation exposée par le demandeur, le choix de la psychologue de recevoir la mère et l'enfant ensemble, comme tout choix peut être discuté, mais rien ne s’y oppose au regard des prescriptions du code de déontologie.

L'inquiétude du demandeur porte sur l'influence et les pressions que la mère pourrait exercer sur l'enfant pendant les entretiens. Tout psychologue qui choisit ses modes d'intervention dans le respect des principes énoncés plus haut a les compétences pour percevoir de tels effets, en tenir compte dans sa gestion de la situation et le cas échéant modifier sa méthode d'entretien.

    1. 2. L'aspect relatif des évaluations et interprétations du psychologue.

Les premières séances d'un psychologue avec un patient lui permettent une compréhension d'ensemble des problématiques de ce dernier. Cette première phase de travail nécessite la plus grande attention dans la prise en compte des facteurs concernés, surtout avec un jeune patient en situation de crise, comme cela semble être le cas ici.

Le demandeur questionne la Commission sur le bien-fondé de cette première évaluation. Celle-ci est possible en quelques séances, même si elle ne peut pas toujours être communiquée comme telle : elle va surtout permettre au psychologue de proposer et mettre en place des interventions au plus près de la situation donnée. Cela est d'autant plus vrai dans le cas d'une évaluation des problématiques d'un enfant dans un contexte de conflit parental. Les passions y sont exacerbées et le psychologue tentera surtout de préserver le lien qu'il commence à tisser avec l'enfant tout en travaillant à une alliance thérapeutique avec les parents.

Dans tous les cas, au moment de la communication, ici aux parents, le psychologue doit faire preuve de mesure, comme le rappelle le Principe 2 du Code :

Principe 2 : Compétence

[…]Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.

Cette communication ne peut pas prendre la forme d'un jugement catégorique et définitif. Le psychologue dans ses évaluations se réfère en effet à l'article 25 du code de déontologie :

Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques ou psychosociales des individus ou des groupes.

Le caractère relatif des évaluations et interprétations du psychologue concerne, dans la situation présente, autant la problématique de l'enfant que la relation de chacun des parents avec celui-ci. La communication aux parents tient compte également du contexte conflictuel entre eux, s'il existe, dans le but de préserver tant que faire se peut le travail commencé avec l'enfant.

3. Le travail thérapeutique avec l'enfant et la relation du psychologue avec les parents, dans un contexte de conflit parental.

Le psychologue travaille dans le respect des législations en vigueur. Dans un contexte de conflit parental, il s'assure du consentement des deux parents avant d'entamer le suivi d'un enfant. Dans cette configuration particulièrement difficile en raison des tensions qui peuvent exister entre les deux parents, les différentes législations concernant les droits de l'enfant1 peuvent lui servir de point d'appui. Le principe 1 du Code incite le psychologue à s'y référer :

Principe 1, Respect des droits des personnes

Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection [...] 

La notion d'intérêt supérieur de l'enfant, à laquelle se réfère la convention internationale des droits de l'enfant, peut guider le psychologue dans son travail avec les parents. Si le conflit parental est particulièrement exacerbé, le psychologue peut aussi proposer à ceux-ci un espace de médiation différent sous la responsabilité d'autres professionnels, ce qui permet de préserver l'espace thérapeutique de l'enfant. C'est la fonction possible d'une médiation familiale, souvent proposée dans de telles situations.

4. Le traitement équitable des parties.

Comme cela a été indiqué précédemment le psychologue assurant le suivi d'un enfant oriente son intervention en priorité vers l'enfant. Les différents adultes qui constituent son entourage proche sont tous susceptibles d'apporter au psychologue leur témoignage sur la situation de ce dernier. Mais si ces témoignages s'avèrent utiles voire indispensables dans le cas d'une expertise par exemple, ils n'ont pas nécessairement à être recueillis de façon systématique et exhaustive lors d'un suivi psychologique. Il revient au psychologue d'apprécier la nature des informations dont il a besoin pour comprendre et aider l'enfant, sachant que celles qu'il puise dans l'écoute et l'observation de ce dernier sont essentielles.

L'équité ne réside pas ici dans l'audition de toutes les parties qui souhaiteraient faire entendre leur vérité sur la situation de l'enfant, mais dans l'adoption d'un positionnement qui est celui du psychologue : reconnaître à chacun des parents (en particulier) la place qu'il occupe dans le psychisme de l'enfant. La crainte du demandeur que la psychologue qui suit sa fille soit influencée par tel ou tel interlocuteur peut se comprendre. Si le mot équité n'apparaît pas dans la version actuelle du Code, il faut néanmoins rappeler que la recherche d'impartialité fait partie de la compétence attendue du psychologue.

Principe 2 : Compétence

[…] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.

Cela étant, le psychologue qui reçoit régulièrement un enfant en y admettant la présence ponctuelle d'une autre personne s'expose à ce que d'autres proches, directement impliqués dans le contexte familial conflictuel, souhaitent également rencontrer le psychologue.

Si une fois le suivi engagé, le psychologue souhaite rencontrer un proche de l'enfant ou accepte de le recevoir à sa demande, il a alors le choix, tout en veillant à préserver le cadre thérapeutique, de le faire soit en la présence de l'enfant, soit en dehors des séances régulières de suivi.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire Silvestre-Toussaint

1

Convention Internationale des Droits de l'Enfant du 20 nov. 1989

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