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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

Le demandeur, dirigeant d’une association, sollicite la Commission à propos d’une « attestation de suivi psychologique » dont il a eu connaissance dans le cadre d’une assignation prud’homale, engagée par un ancien salarié. Dans le cadre de cette démarche qui vise à requalifier sa démission en « prise d’acte » de rupture de contrat de travail, ce dernier a produit une attestation rédigée par une psychologue, qui l’a reçu lorsqu’il était en arrêt maladie avant de quitter l’association.

Sans apporter davantage de précisions sur le contexte professionnel de ce salarié, le demandeur se dit surpris par cette attestation qui contient des « affirmations et (des) accusations sans réserves ». Il soulève notamment que la psychologue fait un lien entre les symptômes « physiques » présentés par son patient et ses conditions de travail. Il questionne de ce fait sa compétence à apprécier la situation sur la base des seuls dires de ce dernier.

Enfin, il se demande dans quelle mesure cette psychologue, qui s’identifie dans son écrit comme « experte près d’une cour d’appel », aurait dû, à ce titre, redoubler de vigilance « du fait de son double statut ».

Document joint :

  • Copie de l’attestation rédigée par la psychologue et oblitéré d’un tampon d’avocat.

Posté le 05-04-2021 15:15:29

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2019

Demandeur :
Professionnel Non Pyschologue (Directeur d'établissement, Président Association, Insp. E.N.)

Contexte :
Relations/conflit avec la hiérarchie, l’employeur, les responsables administratifs

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Compétence professionnelle (Reconnaissance des limites de sa compétence, orientation vers d’autres professionnels)
- Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées, Relativité des évaluations)
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Discernement
- Respect du but assigné

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • Prudence dans la rédaction d’une attestation et respect du but assigné dans un contexte de procédure judiciaire

Prudence dans la rédaction d’une attestation et respect du but assigné dans un contexte de procédure judiciaire :

A la demande d’un patient, d’un tiers ou de sa propre initiative, le psychologue peut établir un écrit. Engageant ainsi sa responsabilité professionnelle, selon le Principe 3 du Code, il détermine la nature du document à produire, en s’assurant que son contenu intervient bien en cohérence avec ce que le Principe 6 indique :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« […] Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. »

C’est à partir de ce cadre ainsi défini que le psychologue pourra décider du contenu de son écrit, en prenant en compte aussi bien son champ de compétences que le contexte de son intervention, tel que le Principe 2 du Code l’y invite :

Principe 2 : Compétence

« […] Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »

Dans la situation présente, la psychologue a rédigé une « attestation de suivi psychologique » après avoir reçu son patient pour « un premier entretien ». Il est difficile à la lecture du document de déterminer si elle l’a reçu lors d’une seule consultation ou de plusieurs. Aucune mention ne précise si cette attestation lui a été remise en mains propres. En effet, la psychologue intègre la formule « certifié conforme » à la fin de son document, ce qui n’a pas manqué d’interroger la Commission car il est plutôt d’usage d’utiliser « Remis en mains propres » ou « Pour valoir ce que de droit ».

S’agissant d’un écrit professionnel, une attestation rédigée par un psychologue peut indiquer l’existence d’un suivi psychologique ou rendre compte d’une constatation établie dans le cadre de son exercice. Ce type d’écrit n’est pas à confondre avec un compte-rendu psychologique ou encore un rapport d’expertise. Or, dans le cas présent, la psychologue, qui semble être intervenue dans un cadre privé en libéral, n’a vraisemblablement pas été mandatée pour réaliser une expertise, ni eu accès à l’environnement professionnel de son patient. En indiquant que ce dernier a été soumis à du « harcèlement moral », la psychologue induit en effet une ambiguïté quant à l’objectif premier de son écrit et à la nature des faits qu’elle serait en mesure d’attester. Cela interroge également dans cette situation sa capacité à distinguer clairement ses missions au sens du Principe 3, déjà cité.

Il apparaît par ailleurs que la psychologue relate des éléments qui lui ont été rapportés, en citant certains symptômes physiques (ex : « insomnies », « prise de poids ») et psychologiques reliés à la situation professionnelle de son patient. Or, comme le précise l’article 13, même si un psychologue peut tout à fait émettre un avis circonstancié sur une situation, ses évaluations ne peuvent porter sur des situations qui lui ont été rapportées :

Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. »

Par ailleurs, le psychologue sait être conscient du caractère relatif de ses évaluations et de ses interprétations, comme le soulève l’article 25, mais aussi des limites de son travail, tel que formulé dans le Principe 4 :

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. »

Principe 4 : Rigueur

« Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. » 

Enfin, en référence à l’article 20 du Code, il est attendu des psychologues l’intégration d’un certain nombre d’éléments à des fins d’identification professionnelle dans leurs écrits :

Article 20 : Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique.

Dans le cas présent, le fait que la psychologue indique être « experte près d’une cour d’appel » ne peut, au regard du Code, lui être reproché. En revanche, ce point a probablement participé à renforcer, tout du moins aux yeux du demandeur, l’ambiguïté de sa mission mais aussi de son écrit.

En conclusion, la Commission rappelle aux psychologues l’importance d’une démarche rigoureuse et prudente dans l’établissement d’une attestation, qui plus est lorsque celle-ci est amenée à être produite en justice.

Pour la CNCDP,

La Présidente

Mélanie GAUCHÉ

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

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